L’œil dans l’objectif
Le Dakar qui continue d’explorer le cœur de l’Arabie Saoudite se dirige à très grands pas, précisément un bond de plus 600 kilomètres aujourd’hui, vers le désert de l’Empty Quarter. Mais avant d’être totalement immergés dans le sable, les pilotes ont dû composer avec une grande variété de terrains, bien souvent propices à des erreurs de navigation. L’exigence physique de cette journée a sélectionné les plus endurants mais aussi les plus sereins parmi les motards, dont Kevin Benavides qui a fait parler son expérience pour s’imposer. Dans cette partie à rebondissements, Lucas Moraes s’est lui aussi montré à la hauteur de l’enjeu entre dunes et canyons pour signer son premier succès sur le Dakar.
L’essentiel
Les données de la troisième étape rendaient prévisibles une nouvelle sélection. Elle a été aussi sévère qu’annoncée pour les pilotes de pointe qui se sont montrés un peu trop pressés. Dans l’ordre de disparition de l’écran, c’est Sam Sunderland qui a été lâché par la mécanique après 11 kilomètres dans la spéciale, puis Sebastian Buhler qui a lourdement chuté au km 360. Pendant ce temps, un duo d’ouvreurs s’est formé à l’avant de la course pour faire la trace. Pablo Quintanilla et « Nacho » Cornejo, les deux coéquipiers chez Monster Energy Honda, semblaient partis pour un festival chilien. Mais la victoire promise à « Quintafondo » s’est évaporée après l’annonce par les commissaires de course d’une série d’excès de vitesse. Beaucoup trop « a fondo » sur une zone limitée à 30 km/h, Quinta a été sanctionné de 6 minutes de pénalité. Bon élève aujourd’hui en plus d’avoir gardé un rythme soutenu sur toute la distance sans jamais s’égarer, c’est donc Kevin Benavides qui refait parler de lui sur une note positive.
Blessé quasiment toute l’année 2023, l’Argentin n’avait plus connu le frisson de la victoire depuis son succès sur la dernière étape du Dakar… celle qui avait scellé son triomphe. Nous n’en sommes pas là, puisque Kevin pointe à la 6e place du général à 20’32’’ du leader Ross Branch, mais le débat sur ses chances de succès est peut-être relancé. L’horizon de la victoire finale est tout aussi lointain dans la catégorie autos, où les bénéficiaires de la veille s’en sont sortis très inégalement.
Nasser Al Attiyah a roulé comme un patron, jusqu’à une série de crevaisons qui l’a rappelé à la raison, roulant même les trente derniers kilomètres sur une jante déshabillée de son pneu à l’arrière-gauche de son Hunter. La punition a été encore plus lourde pour Sébastien Loeb, qui lâche 23 minutes dans les cailloux perçants. Dans ce concours de vitesse autant que d’habileté, Lucas Moraes a été le plus délicat avec ses pneus et a gagné sa première étape sur le Dakar (voir la perf’). Il se place à l’affût, au pied d’un podium dominé pour la première fois par Yazeed Al Rajhi, suivi de Carlos Sainz à 29 secondes et Mattias Ekström à 8’26’’. Dans le défi d’Al Salamiya, deux outsiders éclatants sont parvenus à s’inviter parmi les tout meilleurs : Romain Dumas (5e) et Mathieu Serradori (7C’est ).
La série d’Eryk Goczal, vainqueur du prologue et des deux premières étapes, a été stoppée à El Salamiya par un de ses nombreux rivaux attendus, Mich Guthrie, pour 1’09’’. Le jeune Polonais atteint le bivouac avec la frustration de voir son oncle Michal relégué à 1h40’, mais conserve la tête du classement général. En SSV, Yasir Seaidan complète le joli tableau saoudien du jour en s’imposant devant Joao Ferreira mais sans perturber la marche tranquille de Gerard Farres au sommet. En revanche, le match prend forme chez les camions, Ales Loprais ayant délogé Janus van Kasteren du fauteuil de leader grâce à sa première victoire de l’année.
La perf du jour
Après la sensation, vient l’heure de la confirmation. Il se dégageait déjà une forme de maturité inattendue dans la prestation de Lucas Moraes sur le Dakar 2023. Le Brésilien avait attendu son heure pour monter sagement sur le podium, pendant que la bataille faisait rage entre Nasser Al Attiyah et Sébastien Loeb pour la gagne. Son baptême du Dakar particulièrement concluant a été suivi d’une saison sans coup d’éclat, passée à l’écart des échéances du W2RC et entretenant discrètement son coup de volant sur le championnat du Brésil des Bajas. Mais depuis le début du Dakar 2024, Lucas répond présent, là où beaucoup de cadors se sont pris les pneus dans les silex. Au savant équilibre si difficile à trouver entre la prudence et la rapidité, le pilote du Toyota Hilux numéro 206 a su s’attirer le brin de réussite nécessaire pour briller : il s’impose après 437 kilomètres de spéciale avec seulement 9’’ d’avance sur Mattias Ekström. Il est probable que ni l’un, ni l’autre ne s’arrêteront là.
Le coup dur du jour
Sam Sunderland a vécu une année 2022 de rêve ponctuée par une série de succès qui aurait pu inspirer un documentaire intitulé « The Crown ». Ouvrant la saison inaugurale du W2RC en remportant son deuxième Dakar, après celui de 2017, empochant dans la foulée son 3e sacre sur l’Abu Dhabi Desert Challenge, avant de conclure l’année sur l’Andalucia Rally en enfilant la couronne de champion du monde FIM, et offrant au passage à GasGas, « icing on the cake », le titre des constructeurs pour la première année de son engagement dans la discipline. Mais depuis, le « king » 2022 a vécu une véritable série noire. « SunderSam » n’a connu que des « DNF » (do not finish). Dakar 2023 dès l’étape 1, Sonora Rally, Desafio Ruta 40, Rallye du Maroc et à présent Dakar 2024. Sur ces cinq rallyes d’affilée, Sam n’est venu à bout que de 10 étapes, prologues inclus. Autant d’épisodes dont le sujet de sa Majesté se serait bien passé de diffusion.
La stat du jour
- Lucas Moraes a été la révélation de l’édition 2023, achevant sa première participation sur le podium. Malgré un sans-faute, il lui manquait une victoire. C’est désormais chose faite. En s’imposant sur la troisième étape, il devient aussi le premier Brésilien à signer un scratch dans la catégorie auto. Plusieurs compatriotes lui avaient montré l’exemple, en commençant par les frères De Azevedo : André le premier en camion lors de l’édition 1999, puis Jean en 2005 au guidon d’une KTM. La série comprend également des victoires en SSV, accompagnées d’un titre pour Leandro Torres en 2017 puis pour Reinaldo Varela en 2018. Plus récemment, Rodrigo Luppi de Oliveira a apporté sa contribution en 2022, tout comme Cristiano Batista l’année dernière. Et pas plus tard qu’hier, Marcelo Medeiros portait son total de scratchs à 10 chez les quads. Avec Moraes aujourd’hui, la Seleçao du Dakar a planté 38 buts !
La réaction du jour
Eryk Goczal :
« C’était fantastique. Ce n’était vraiment pas facile aujourd’hui, en particulier toute la portion du milieu de l’étape avec des dunes grandes comme des gratte-ciels. C’était un réel défi de les franchir mais je pense que c’est sur cette partie que nous avons gagné du temps et je suis fier d’y être arrivé. Nous avons perdu un peu de temps sur la fin pour validé un way-point, mais j’ai vérifié et nous ne prendrons pas de pénalité. Je ne suis pas très fort en stratégie, je me fais juste plaisir dans la voiture en essayant de ne pas la casser, donc je vais essayer de continuer comme ça. En comparaison avec ma voiture de l’année dernière, c’est une véritable auto de rallye, avec une boite séquentielle et c’est idéal parce que c’est une étape vers les voitures engagées en Ultimate, ce qui est mon rêve dans l’avenir ».
Mission Mile
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Sur un air de classic
Ondrej Klymciw dénote sur le Dakar Classic. Ancien très bon motard, il a directement sauté sur la case Classic en 2021, sans passer par celle du Dakar sur quatre roues. C’est dans une Skoda 130 LR, qui n’a aucune histoire sur le Dakar mais qui est la voiture nationale de son enfance, qu’il s’engage depuis la première édition. Aujourd’hui, le Tchèque s’est montré à la hauteur de Carlos Santaolalla Milla qui s’impose pour seulement 4 points. Le numéro 2 de l’édition 2023 compte seulement 8 points sur Ondrej qui pourrait bien imposer une Skoda au palmarès du Dakar, pour la première fois de l’histoire.
World Rally-Raid Championship
Challenger, la catégorie taillée pour Eryk Goczal
Eryk Goczal est apparu l’an dernier sur le Dakar dans les radars du rallye-raid. Une étoile filante dans la catégorie SSV qui n’a fait que passer à la vitesse du son. Vainqueur à 18 ans, le Polonais est devenu le plus jeune vainqueur de l’histoire avant de s’éclipser pour se consacrer à ses études. Il revient pour son 2e Dakar en catégorie Challenger où il vise une nouvelle victoire avant le titre planétaire en W2RC. Un défi à la taille du gamin au sourire éternel autour duquel gravite la galaxie Goczal. Son père Marek et son oncle Michal ont suivi sa trajectoire et l’impact éclabousse déjà les valeurs sûres de l’ex catégorie T3 qui, débarrassées de l’autre prodige Seth Quintero, espéraient graviter en paix. Mitch Guthrie en fait déjà les frais, mais relève le défi. Vainqueur aujourd’hui, Mitch Junior met fin à la série de trois victoires consécutives d’Eryk depuis AlUla. Ce soir, en s’endormant sous les étoiles du bivouac, l’héritier des Goczal compte toujours 15’47’’ d’avance sur son père et 15’58’’ sur l’Américain.
Communiqué Dakar