L’œil dans l’objectif
C’est une spéciale raccourcie en raison des fortes intempéries qui ont détrempé une partie de la région d’Al Artawiyah que les concurrents ont dû affronter ce troisième jour de course. La spéciale a débuté au point qui devait accueillir le CP1, réduisant le chronomètre d’une grosse centaine de kilomètres. En boucle autour de Al Qaisumah, les concurrents ont commencé par une liaison de 214 km, avant 255 km de spéciale, suivis d’un retour de 166 km jusqu’au bivouac de départ pour la deuxième étape en boucle de la course. Au menu ? Du sable, plus lourd donc plus porteur « grâce » aux pluies. Mais aussi des dunes à franchir durant près de 30 km au travers d’un cordon où elles étaient estampillées niveau 2. Du haut de ces premières grandes dunes, les pros scrutent déjà la longue étape annoncée demain : Nasser Al Attiyah et Daniel Sanders, qui ont géré leurs positions, ont préparé le fameux coup d’avance.
L’essentiel
L’histoire des petits qui bousculent les gros, voilà un classique qui se savoure parfois sur le Dakar. C’est le pied de nez que s’est offert aujourd’hui dans la catégorie motos le Portugais Joachim Rodrigues, qui atteint une forme de consécration en gagnant une spéciale sur son 6e Dakar (voir « La perf’ du jour »).
Son exploit n’a pas perturbé les leaders du classement général, dont les écarts se sont resserrés en attendant la grande bataille attendue demain en direction de Riyadh. Pour son 31e anniversaire, Adrien Van Beveren est toutefois passé à 4’’ de déloger son complice Sam Sunderland du sommet de la hiérarchie, dont se rapprochent aussi Matthias Walkner (3e) et Skyler Howes (4e).
Au total, cinq marques sont représentées dans le Top 6, avec la Sherco de Lorenzo Santolino au 6e rang. Le coup de la première victoire n’est pas non plus passé très loin pour Henk Lategan, auteur des meilleurs temps intermédiaires mais qui s’est heurté à un très très gros collectionneur en fin d’étape, Carlos Sainz ayant franchi la ligne en vainqueur pour la 40e fois de sa carrière sur le Dakar (voir « La stat »). L’Espagnol boude néanmoins son plaisir, frustré d’avoir été écarté avant-hier du combat pour la gagne qui concerne surtout Nasser Al Attiyah… et de moins en moins Sebastien Loeb.
Le Français reste avec son Hunter BRX en 2e position, mais la casse de son arbre de transmission après 10 km de course l’a contraint à rouler « à la papa » (façon Loeb tout de même !), se retrouvant en fin de journée avec plus de 37 minutes de retard sur le patron qatarien.
Chez les T3, Seth Quintero a tenté de ravaler sa déception d’hier (plusieurs heures perdues sur casse mécanique) en allant chercher sa 3e spéciale après une courte nuit, mais c’est bien « Chaleco » Lopez qui caracole en tête et voit maintenant Sebastian Eriksson dans son rétro, à 9 minutes au général. Les Polonais continuent leur razzia sur les étapes, avec une deuxième spéciale remportée par Marek Goczal, mais la course est toujours dominée par l’Américain Austin Jones. En camions, le Kamaz numéro 500 de Dmitry Sotnikov consolide sa position de leader en s’offrant une 2e étape de l’année, menant le podium du jour dans lequel s’est incrusté Janus Van Kasteren du Team De Rooy au volant de son Iveco.
La perf’ du jour
Joaquim Rodrigues ne le savait pas ce matin au départ, mais il est parti avec un costume de super Hero ! Classé sur le podium virtuel à chaque pointage intermédiaire, il s’impose à l’arrivée et s’empare de sa première étape sur le Dakar. Il offre du même coup aussi cette distinction à Hero Motorsport, la marque indienne qui avait fait ses débuts en 2017. « J-Rod » a connu le pire avec la disparition de son coéquipier Paulo Goncalves le 12 janvier 2020, et goûte aujourd’hui au meilleur en partie grâce à son ancien compatriote et coéquipier : « C’est ma première victoire d’étape au Dakar, c’est historique pour la marque, je suis vraiment heureux. Je roulais tellement bien et si vite que je me suis fait cette réflexion : Paulo roule avec moi. C’est lui et moi qui avons gagné aujourd’hui ». Le Portugais récompense le travail de l’équipe de Wolfgang Fischer qui conjure ainsi le sort qui semblait s’acharner sur l’équipe blanc et rouge : « J-Rod était là avec Santosh lorsque l’on a débuté le projet, qui a forcément connu des hauts et des bas. Repartir l’année passée dans la construction d’une nouvelle moto après la disparition de Paulo n’a pas été facile. Nous avons fait le maximum de courses possibles et d’entraînements pour être prêt pour le Dakar, mais nous avons joué de malchance les semaines précédant la course avec les blessures de Sebastian Buhler et de Franco Caimi. Finalement nous sommes là avec Aaron Mare, réduits à deux pilotes, et Joaquim gagne pour lui et pour Hero. C’est un moment d’émotion. »
Le coup dur du jour
L’an dernier, pour sa première participation au Dakar, Laisvydas Kancius avait terminé au septième rang, une performance somme toute correcte pour un rookie. Pour ce 44e Dakar, le Lituanien escomptait simplement grappiller une petite place au général. « Terminer sixième serait bien, mais bien sûr tout le monde rêve d’un podium, » avait-il confié. C’était pourtant bien parti avec le neuvième temps de la spéciale d’ouverture. Le lendemain, il a obtenu la consécration en remportant l’étape 1B avec plus de dix minutes d’avance sur Pablo Copetti et Giovanni Enrico, sur le podium du Dakar 2021 derrière Manuel Andujar… rien que ça. Cette performance lui a permis d’aborder la spéciale de lundi avec le statut de leader de la catégorie. S’il a lâché une poignée de minutes à l’arrivée, il figurait encore en tête avant cette troisième étape. « Doucement, on s’en tient au plan », souriait-il hier soir sur Facebook. Mais, ça n’aura finalement pas tenu. Son aventure s’est malheureusement stoppée net après le premier pointage en raison d’un problème mécanique. Et comme si ça ne suffisait pas, son quad s’est ferré dans une dune… Il a alors avoué que même s’il était parvenu à s’en sortir, il n’aurait pas pu repartir. Il a donc été évacué, un coup dur pour le Lituanien qui peut toutefois jouer son joker et revenir en piste demain. Avec 14 quads au départ ce matin, Kancius, même pénalisé, peut toujours se permettre quelques coups d’éclat sur des étapes.
La stat’ du jour : 1985
Retour vers le futur ! Aujourd’hui, Carlos Sainz nous a fait voyager dans le temps et dans les annales du Dakar… Il fallait en effet remonter à 1985 pour retrouver la dernière victoire d’une Audi au Dakar. À l’époque, c’était une Quattro de l’équipe privée française Malardeau et pilotée par Bernard Darniche. En empochant le 40e succès de sa carrière au Dakar, « El Matador » a permis à la Audi RS Q e-tron de figurer sur la plus haute marche du podium pour la toute première fois dans le plus prestigieux des rallyes-raids. Cerise sur le gâteau, c’est aussi la première victoire d’une voiture qui officie en T1-Ulimate, toute nouvelle catégorie introduite cette année et réservée aux engins à motorisations alternatives. Cette classe s’inscrit dans le premier acte du plan #DakarFuture et il y a fort à parier que ce premier triomphe d’un véhicule hybride en appellera beaucoup d’autres. En tout cas, tous les voyants sont au vert…
World rally-raid Championship
Hier à égalité, ce n’est aujourd’hui plus le cas entre Nasser Al Attiyah et Sébastien Loeb. Le Français, qui a cassé sa transmission, fait chou blanc au terme de l’étape 3 et reste à neuf points au compteur. En revanche, en terminant huitième, mais troisième des protagonistes du championnat du monde, son rival qatarien ajoute trois unités dans sa besace et en affiche désormais autant d’avance sur Loeb. Belle opération en revanche pour « Nani » Roma qui n’est plus qu’à une longueur de son coéquipier du clan BRX. En T3, Seth Quintero, malchanceux lundi, frappe un grand coup et remonte à deux points de « Chaleco » Lopez. Du côté de leurs homologues des T4, Michal Goczal a pris l’ascendant sur Austin Jones et les deux pilotes Can-Am affichent un score 11 à 10 en amont de la quatrième spéciale. Chez les camions, Martin Macik creuse encore peu plus l’écart avec dorénavant 15 points au général contre 12 pour son coéquipier Martin Soltys.
Sur un air de Classic
Un air de famille souffle sur le provisoire de la classe H3, celle des moyennes hautes de régularité pensée pour les véhicules historiques les plus performants du Dakar Classic ! Aux trois premières places, deux équipages d’époux et un duo père-fils. Madame et monsieur Panagiotis sont à la manoeuvre, suivis par leurs coéquipiers du team FJ, le couple Galpin. Deux Protruck ex Saby et Pescarolo aux premières places, qui comme pour mieux marquer du fer bleu-blanc-rouge la main mise française dans cette classe, sont suivis par Philippe et Kevin Grandjean de l’équipe Ralliart Off Road Classic, eux au volant de leur Mitsubishi Pajero de 1988. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit d’un véritable véhicule historique. Un prototype produit à l’époque par les ateliers Maingret, remis aux couleurs Nikon, réplique de celui qui fut la star du Paris-Le Cap 1992. Il y a tout juste 30 ans, Hubert Auriol était à son volant, escorté sur le podium sud-africain de ses deux coéquipiers de Ralliart. Un hommage au premier motard à remporter le Dakar sur quatre roues et qui nous quittait il y a bientôt un an. Et c’est l’ombre d’un autre monstre sacré, Vatanen, qui se dessine dans le rétroviseur de nos Français. La Peugeot 205 Turbo 16 Grand Raid de 1987, année de la première apparition du constructeur au lion sur le Dakar. C’est une femme, Fanny Jacquot, qui vient d’entrer dans le top 10 chez les H3 au volant de l’une des stars du plateau du Dakar Classic préparée et confiée au dernier moment par son père. De quoi faire rugir de plaisir tous ceux qui auront la chance d’assister au départ de la 4e étape en direction de Riyadh.
La réaction du jour
Ignacio Casale : « Je peux me mêler aux pilotes de pointe »
Le pilote chilien, double vainqueur du Dakar en quads, commence à mener à bien sa reconversion et à se distinguer dans la catégorie camions : il signe le 6e temps du jour.
« Je suis très content sur cette étape parce que j’ai réussi à trouver un bon rythme, contrairement aux deux premières étapes. Je prends la 6e place, ce qui prouve que je peux me mêler aux pilotes de pointe. Maintenant la mission ce sera de progresser au classement général. Bien sûr c’est difficile de batailler avec les Kamaz mais ce n’est pas impossible. Ma stratégie, c’est d’abord de ne pas casser le camion, et ensuite d’aviser en deuxième semaine »
Ils ont dit :
Carlos Sainz : « Je suis content de la voiture, nous avons pu rouler vite aujourd’hui. C’est la première course pour cette voiture donc nous apprenons tellement tout le temps. »
Nasser Al-Attiyah : « Nous avons essayé de minimiser les risques aujourd’hui et de terminer l’étape sans problème. Je pense que nous sommes en bonne position pour la longue et difficile étape de demain. »
Sébastien Loeb : « C’était une mauvaise journée pour nous. On a cassé l’arbre de transmission de la voiture donc on a perdu les quatre roues motrices. Faire cette étape en deux roues motrices était vraiment difficile. Je suis content d’arriver au bout de l’étape. «
Kevin Benavides : « J’ai besoin d’attaquer de jour en jour pour rattraper le temps perdu sur la première spéciale. Je vais rester patient car on ne sait jamais quand quelque chose de grand peut arriver au Dakar. »
Sam Sunderland : « Je me suis fait rattraper par des gars derrière alors que j’essayais de trouver un waypoint en hors-piste. Demain s’annonce long, donc je pense qu’il valait mieux attendre un peu aujourd’hui. »
« Aujourd’hui, c’était rapide toute la journée. Toute la journée, c’était pousser, pousser, pousser. Notre camion n’a eu aucun problème sur la scène. »
Seth Quintero : « La spéciale était super amusante. Très sablonneuse, avec beaucoup de dunes mais aussi super rapide. Elle convenait parfaitement à mon style de pilotage et je suis ravi de remporter la victoire. »
Andreas Mikkelsen : « Même si nous n’avons roulé que trois jours, je pense que j’ai beaucoup appris. Je sais maintenant ce qu’est le rallye-raid et quel grand défi le Dakar est vraiment pour l’homme et la machine.