L’œil dans l’objectif
Véritablement submergé par les eaux, le bivouac d’Al Artawiyah a été privé de la soirée si spéciale de l’étape marathon qui devait s’y tenir. Mais c’est l’essence même du rallye-raid que de se plier à la nature : organisation comme concurrents se sont déroutés sans sourciller vers le bivouac de l’étape 3. Le programme sportif de la deuxième étape n’a pas pour autant été bouleversé puisqu’à l’issue de la spéciale de 338 km en direction de la province de Riyadh, une nouvelle liaison de 270 km a permis de rejoindre Al Qaisumah, où la caravane s’est établie pour deux nuits. La catégorie Dakar Classic, qui bénéficie d’un parcours en parallèle trop touché par les inondations, a rejoint la ville étape de substitution en convoi. La spéciale s’est déroulée à 90 % dans le sable, dont un tiers de cordons de dunes dans lesquels les ténors ont commencé à resserrer leurs rangs chez les motos juste avant que le mano a mano entre Al Attiyah et Loeb ne tourne à l’avantage de la BRX Hunter.
L’essentiel
Il n’a jamais abdiqué et court toujours après un premier titre sur le Dakar. Joan Barreda, réputé comme l’un des plus rapides du plateau, n’a pourtant jamais fait mieux que la 5e place au général décrochée en 2017. Hier, c’est une longue séance de jardinage qui a compromis ses chances. Mais comme souvent, son tempérament l’incite à tenter une « remontada ». En poussant le niveau d’attaque au maximum, il est allé chercher sa 28e victoire de spéciale, pendant que loin devant lui, Sam Sunderland et Adrien Van Beveren s’emparaient respectivement des deux premières places du général, avec 2’51’’ d’écart.
Dans le genre chasseur d’étapes, Sébastien Loeb est aussi redoutable. Mais avec sa 15e victoire (voir « La stat du jour »), obtenue en suivant Nasser Al Attiyah qui menait grand train, le Français se rapproche à 9’16’’ et s’affirme avec son Hunter BRX, manifestement au point, comme le rival à surveiller pour le titre.
Le duel se précise entre Al Attiyah et Loeb et ne devrait pas être arbitré par les Audi, bien que Carlos Sainz et Stéphane Peterhansel se montrent encore déterminés à faire parler d’eux : après leurs déboires d’hier, ils se classent 3e et 4e de l’étape.
Manuel Andujar a également souffert hier, mais les problèmes d’injecteur de son quad ont été réglés. Il s’impose en s’inspirant de la méthode Barreda mais accuse toujours un retard d’une demi-heure sur le leader lituanien Laysvidas Kancius. C’est un coup d’éclat qu’a réalisé Guillaume De Mevius en s’imposant chez les T3 (voir « La perf du jour »), brulant pour 4 minutes la politesse à « Chaleco » Lopez, le Chilien héritant toutefois du fauteuil de leader, suite à la rupture du carter de différentiel de Seth Quintero à 30 km de l’arrivée. La Pologne garde la main chez les SSV au tableau des étapes, avec cette fois-ci le meilleur temps réalisé par Michal Goczal, mais c’est Austin Jones qui prend les commandes du général avec un court avantage de 1’52’’. Un troisième Kamaz différent s’impose, avec Andrei Karginov devant ses trois autres coéquipiers. On ne voit également que du bleu aux 4 premières places du général, Sotnikov en tête !
La perf’ du jour
L’équipe OT3-Red Bull continue de passer par tous les états. Si Seth Quintero s’est retrouvé coincé par une panne à 30 km de l’arrivée, la bonne surprise est venue de Guillaume de Mevius, un « rookie » qui n’en finit pas d’expérimenter le yo-yo émotionnel à la sauce Dakar. Après un changement de copilote de dernière minute, le Belge désormais accompagné de Kellon Walch a perdu sept heures dans l’étape d’hier. La panne lui a également valu un départ hyper tardif qui l’a obligé à rouler dans les ornières des camions. Ce n’est pas le genre de contrariété qui l’empêche de donner du rythme, et même de réaliser au bout des 338 km de spéciale le chrono du jour ! Au passage, le vainqueur de la spéciale a même eu la délicatesse de s’arrêter en chemin pour dépanner d’une roue son coéquipier Andreas Mikkelsen. La performance dans la décontraction, c’est certainement une vision du Dakar héritée de son père Grégoire, triple vainqueur d’étape au début des années 2000.
Le coup dur du jour
Décidément, quand ça veut pas, ça veut pas… et aujourd’hui Danilo Petrucci en est la parfaite illustration. Tout a commencé le 6 décembre lorsque le natif de Terni s’est fracturé la cheville et le talon droit. Il s’est quand même rendu en Arabie Saoudite comme ça, pour voir, et il s’est rapidement rendu compte qu’il était possible de rouler, quitte à serrer très fort les dents. Et puis, il y a eu ce test Covid positif à deux jours du départ. Après un autre contrôle, l’ancien vainqueur en MotoGP a finalement obtenu le feu vert pour réaliser son rêve de courir au Dakar. Classé deuxième au général de la catégorie Rally2 au soir de l’étape 1B, Petrucci va vite, très vite. Mais après avoir composé avec les blessures et la menace du Covid-19, c’est tout compte fait un problème mécanique qui aura eu raison du pilote Tech3, sa KTM s’étant stoppée au km 115 de la spéciale du jour. Il a bien essayé de réparer, en vain. Il a finalement été évacué. Petrucci n’a pas encore jeté l’éponge puisqu’il peut jouer sa carte joker qui lui permettrait de poursuivre l’aventure et d’en profiter pour faire ses armes en rallye-raid. Si tel est son choix, il recevrait dans tous les cas une pénalité de temps à l’instar de Stéphane Peterhansel en auto.
La stat’ du jour : 15
La patience et l’abnégation de Sébastien Loeb ont finalement été récompensées aujourd’hui entre Ha’il et Al Qaisumah. Le nonuple champion WRC a su garder ses distances sur Nasser Al Attiyah pour gagner au terme de la deuxième étape de ce 44e Dakar. Sébastian Loeb porte désormais à 15 son nombre de succès sur l’épreuve et se hisse au niveau de ses compatriotes Jean-Louis Schlesser et Bruno Saby au classement des pilotes qui comptent le plus de spéciales en auto. En figurant sur la première marche du podium du jour, Loeb offre également à l’écurie Prodrive qui découvre depuis l’année dernière le Dakar en ayant monté le team BRX son tout premier succès. Elle devient au passage le 27e constructeur différent à triompher sur l’épreuve. Cerise sur le gâteau : Nani Roma a terminé 5e à huit minutes de son coéquipier. Une belle journée pour le clan BRX.
World rally-raid Championship
LOEB ET AL ATTIYAH À ÉGALITÉ
Un autre duel se joue sur les pistes du Dakar en vue du premier titre de champion du monde de rallye-raid, avec les deux grands acteurs de ce début de rallye. Avec chacun une victoire d’étape et une place de deuxième, Sébastien Loeb et Nasser Al Attiyah occupent ensemble le sommet du classement. Aujourd’hui, « Nani » Roma a lui aussi fait son entrée dans le classement et se trouve en 3e position à égalité avec Lucio Alvarez, lui aussi à 3 points. La lutte concerne également les T3, emmenés par le Can-Am de l’équipe South Racing Francisco « Chaleco » Lopez devant l’OT3-Red Bulle de Cristina Gutierrez. Chez les T4, c’est Austin Jones qui mène le bal tandis qu’en camions, après seulement deux journées, Martin Macik commence à prendre le large, avec un carton affichant 10 points.
Sur un air de Classic
Le Dakar Classic est arrivé plus tôt que prévu au bivouac en raison de l’annulation de son programme sportif du jour. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, les 301 concurrents répartis dans 142 véhicules ont pu profiter du parc d’assistance pour admirer de plus près les pépites de cette deuxième cuvée. C’est presque en pèlerinage que les connaisseurs se sont rendus auprès du numéro 707. La définition même d’un classique. Jugez plutôt. Hervé Cotel avait conçu lui-même son buggy éponyme durant l’année de la création du Dakar en 1979. Il s’était engagé l’année suivante avec une 13e place à la clé. En 1981, l’occasion de sa deuxième tentative, seul le Range Rover de Metge et Giroux lui avait résisté. À bientôt 75 ans, il fait partie de ceux qui ont eu le privilège de monter sur le podium de la capitale sénégalaise. C’est l’un des véritables pionniers du Dakar. Avec le buggy Sunhill, également en course cette année, il est de ceux qui ont ouvert et écrit les premières pages de la prophétie du buggy au Dakar, inspiré à l’époque par les courses de Baja en Californie. En 2005, Hervé Cotel avait commencé à boucler la boucle en s’engageant aux côtés du fantasque Américain Ronn Bailey… dans un buggy, évidemment ! Pour son retour au Dakar, il a reconstruit sa propre création comme à l’origine. Un des mythes du Dakar tout simplement.
La réaction du jour
Sam Sunderland : « C’est toujours une bonne chose que de prendre la tête du général »
2e du jour, l’officiel GasGas continue de faire grimper le compteur de la marque d’origine catalane sur le Dakar après les deux succès de son coéquipier Daniel Sanders.
« C’est toujours une bonne chose que de prendre la tête du général provisoire, mais la route est encore longue. Cela ne veut pas dire grand-chose car on connait la course et l’on sait bien que celui qui ouvre la piste perd presque à chaque fois du temps. Il reste beaucoup de jours et je suis sûr que cela va régulièrement changé au classement général d’ici l’arrivée. Mais la moto marche bien et je me sens fort physiquement cette année. On verra ce que nous réserve les longues journées qui nous attendent. »
Ils ont dit :
Sébastien Loeb : « C’était une vraie bagarre entre Nasser et moi aujourd’hui. Il ouvrait la route et poussait vraiment pour les 340 km. À la fin de l’étape, je l’avais rattrapé.
Nasser Al-Attiyah : « Nous avons bien fait d’ouvrir la route sur toute l’étape car les lignes des motos n’étaient pas faciles à suivre. Nous avons pu aller vite aujourd’hui et nous l’apprécions toujours. Je pense que ce sera un Dakar extrêmement rapide jusqu’au bout. Les performances de notre T1+ sont vraiment fantastiques.
Carlos Sainz : « Tout s’est bien passé pour nous aujourd’hui. Juste un petit problème avec un pare-chocs, mais le reste s’est bien passé.
Stéphane Peterhansel : « Nous n’avons eu aucun problème de navigation aujourd’hui car il y avait beaucoup de lignes à suivre. La pluie avait rendu le sable mou, nous avons donc senti la voiture très lourde, mais nous avons réussi l’étape. C’est la première étape que nous terminons sans problème technique et ça fait vraiment du bien.
Giniel de Villiers : « Les choses se sont compliquées dans la deuxième partie de l’étape quand nous sommes arrivés dans les dunes cassées. Nous sommes satisfaits de notre performance aujourd’hui. Le rallye est toujours ouvert et il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Kuba Przygoński : « C’était une jolie spéciale et nous avons passé un bon moment dans la voiture. Nous ne sommes pas aussi rapides que nous le souhaitons, c’est donc quelque chose dont nous allons parler avec les ingénieurs.
Cyril Despres : « Aujourd’hui, ce n’était pas une étape si compliquée. Nous avons passé une bonne journée dans le désert. A quelques kilomètres de la fin de l’étape, il y avait une pierre et nous l’avons heurtée, durement. Ce n’est pas un début de Dakar facile, mais c’est la course.
Sam Sunderland : « J’ai juste essayé de pousser jusqu’au bout aujourd’hui. Encore une fois, il y a eu beaucoup de navigation avec quelques notes délicates dans le roadbook. J’ai rattrapé les gars à l’avant et nous nous sommes relayés pour ouvrir la route.
Matthias Walkner : « Je suis parti troisième et j’ai dû faire attention lorsque les deux gars devant moi faisaient fausse route. J’ai mis du temps à trouver le bon chemin. Pas une mauvaise journée pour moi.
Daniel Sanders : « C’était un début de journée fou, très rapide. Juste après le premier ravitaillement, je me suis un peu perdu. Il s’avère que nous étions dans une vallée trop à gauche. Quand j’ai corrigé l’erreur, j’ai poussé le plus possible sur les dunes pour essayer de gagner du temps.
Kevin Benavides : « Aujourd’hui était une bonne journée après la catastrophe d’une spéciale d’hier pour moi. J’ai commencé à l’arrière et j’ai beaucoup poussé. C’était une étape très rapide et physique. Ce n’est que le deuxième jour et nous avons déjà eu des hauts et des bas.
Toby Price : « Nous avons eu une bien meilleure journée aujourd’hui, mais nous avons encore beaucoup de temps pour nous rattraper après ce qui nous est arrivé hier. Nous sommes à une autre ligne d’arrivée en un seul morceau et la moto se sent vraiment bien. Nous avons encore beaucoup de jours à venir, alors voyons ce qui se passe.
Camille Chapelière : « Aujourd’hui, j’ai pu me venger sur le parcours de ce qui s’est passé hier. J’ai rattrapé plein de gars devant et j’ai continué à pousser jusqu’à la fin. Maintenant, je vais essayer de continuer dans cette voie.
Mohammed Jaffar : « C’était une super étape et j’en ai apprécié chaque kilomètre. J’espère que les choses pourront rester comme ça pendant les 10 jours qu’il nous reste à faire.
Guillaume de Mevius : « J’ai été surpris à l’arrivée quand ils nous ont dit que nous avions gagné. Nous avons commencé si loin aujourd’hui que gagner l’étape ne faisait pas partie de nos plans. Hier, nous avons beaucoup souffert et perdu beaucoup de temps. C’est super de rebondir avec ma toute première victoire d’étape sur le Dakar.
Cristina Gutiérrez : « C’était une autre étape difficile pour nous. Nous avons eu un problème avec le cric et cela nous a coûté quelques minutes pour changer un pneu. Après cela, nous avons cassé l’embrayage, nous avons donc essayé de nous débrouiller du mieux que nous pouvions. L’important était de finir l’étape car nous avons encore de nombreux jours devant nous.
Communiqué Dakar – Red Bull
Crédits photos : Dakar – Red Bull