28 mars 2024

Dakar, Etape 10, Honda qui pleure, Honda qui rit

L’œil dans l’objectif

Pht. Frederic Le Floc’h/DPPI

Bienvenue sur une autre planète. Les évolutions géologiques prennent des centaines de millénaires pour faire sortir de terre des sculptures gigantesques aux formes parfois familières, parfois délirantes : là un champignon, ici un mammouth, ou encore une tulipe, une pyramide, une colonne grecque… Dans cette visite surréaliste, les pilotes avaient surtout pour mission de s’orienter et les slaloms entre les rochers géants n’ont pas été du goût de tout le monde, à commencer par Sam Sunderland qui a failli y laisser sa place sur le podium. Il ne la doit qu’aux déboires de Nacho Cornejo, dont les espoirs de victoire ont été enterrés au moment même où le rallye s’approchait (à une centaine de kilomètres tout de même) des monuments funéraires nabatéens, eux aussi millénaires, qui font la réputation de la région d’Al Ula.

L’essentiel

#303 Al Rajhi Yazeed (sau), Von Zitzewitz Dirk (deu), Toyota. Pht. Florent Gooden/DPPI

La partie de chamboule-tout n’était absolument pas attendue. Après tout, les quatre pilotes Honda postés tout autour de Sam Sunderland dans le Top 5 du classement général n’avaient pas besoin d’imprimer un train d’enfer pour contrôler cette situation confortable. Ils n’ont d’ailleurs pas nécessairement pris de risques inconsidérés sur la spéciale du jour… mais Nacho Cornejo a tout de même chuté au km 252 (voir coup dur). Puis abandonné 90 kilomètres plus loin, à l’arrivée de la spéciale où Ricky Brabec signait le meilleur temps du jour en même temps qu’il se hissait au 2e rang du classement général (voir perf).

#01 Brabec Ricky (usa), Honda, Monster Energy Honda Team. Pht. Antonin Vincent/DPPI

Le titre est maintenant promis à une bataille entre le tenant et son coéquipier Kevin Benavides, nouveau leader avec 1’04’’ d’avance. En autos, le nouvel épisode du duel entre Stéphane Peterhansel et Al Attityah n’a pas connu de bouleversement, les 49’’ cédées par le leader dans son buggy Mini n’ayant pas encore d’impact à la veille d’une explication plus sérieuse attendue demain.

Stephane Peterhansel (FRA) for X-Raid Mini JCW Team, en tête du classement général. Pht. Flavien Duhamel/Red Bull Content Pool

Yazeed Al Rajhi a de son côté saisi l’opportunité de remporter une nouvelle étape à défaut de pouvoir se mêler au match suprême. Les quads ont été dominés sur la spéciale du jour par Pablo Copetti, qui reste au pied du podium du général (4e), mais à bonne distance du leader Manuel Andujar. De même, la victoire en véhicules légers de Sergei Kariakin ne perturbe en rien les plans de « Chaleco » Lopez, qui doit en revanche se soucier de la menace d’Austin Jones, lui aussi dans un Can-Am et pointé à 10’13’’. Martin Macik avait remporté sa première étape hier et confirme en s’imposant à nouveau devant les Kamaz, qui restent toutefois les maîtres du jeu au général.

#503 Macik Martin (cze), Tomasek Frantisek (cze), Svanda David (cze), Iveco, Big Shock Racing. Pht. Florent Gooden/DPPI

La perf’ du jour

 

Ricky Brabec n’est pas le tenant du titre pour rien ! Relégué à près de 20 minutes au général à la journée de pause, l’Américain n’a pas tardé à réagir en entamant une remontée fulgurante. Vainqueur de la première partie de l’étape marathon, il n’a depuis plus quitté le podium. Tandis que ses principaux adversaires sont partis à la faute à l’image de Xavier De Soultrait, de Toby Price ou encore Nacho Cornejo, le pilote Honda a repris du temps. En s’imposant au terme de la dixième spéciale, Brabec a également profité de la contre-performance de Kevin Benavides pour se rapprocher à moins d’une minute de son coéquipier au général. Demain, Brabec devra ouvrir la route de l’étape la plus longue de l’année, mais aujourd’hui, il a aussi dû le faire après avoir passé Benavides sur son parcours et cela ne l’a pas empêché de gagner…

Le coup dur

#04 Cornejo Florimo Jose Ignacio (chl), Honda, Monster Energy Honda Team. Pht. Julien Delfosse/DPPI

Les supporters chiliens de Nacho Cornejo devaient déjà s’apprêter à fêter leur héros, lancé pour remporter le Dakar à seulement 26 ans, avec 11’ d’avance et une maîtrise de son sujet qui ne semblait pas l’obliger à s’exposer. Après sa chute, on a même dû être rassuré du côté d’Iquique en voyant que l’enfant du pays remontait sur sa moto. Les désillusions se sont pourtant bien enchaînées à l’arrivée de la spéciale. D’abord le ralentissement consécutif à la chute, qui lui faisait perdre sa position de leader et annonçait une bataille risquée et féroce pour les deux derniers jours. Surtout, la nouvelle de son abandon, le pilote Honda ayant subi une commotion cérébrale nécessitant une surveillance fine et des examens poussés. Il ne pensait pas terminer son 5e Dakar en hélicoptère.

La stat’ du jour : 7

#400 Kariakin Sergei (rus), Vlasiuk Anton (rus), Can-Am, Snag Racing Team. Pht. Julien Delfosse/DPPI

Même si Sergei Kariakin a terminé avec le statut de dauphin de Casey Currie l’an passé, il fallait remonter à 2019 pour retrouver la dernière victoire d’étape du Russe au Dakar. En s’imposant aujourd’hui, l’ancien vainqueur en quad est au passage devenu le septième vainqueur différent de l’année chez les véhicules légers. L’édition 2021 a jusqu’ici offert de nombreux records avec notamment la première femme victorieuse depuis 2005 grâce à Cristina Gutierrez ou encore le plus jeune vainqueur d’étape au Dakar avec Seth Quintero à l’âge de 18 ans. On peut aussi mentionner Kris Meeke qui, à l’instar du duo du team Red Bull Off-road, fait ses armes au volant d’un véhicule léger. Deux rookies et une nouvelle venue dans la catégorie sur la liste des vainqueurs d’étapes, le match pour les scratchs est décidément très ouvert. Et deux étapes sont encore au programme  !

Sur un air de Classic

Juan Donatiu et Pere Serrat Puig ont pris place dans un Mitsubishi Montero qui s’était engagé sur le Dakar 2005, occupé par Julia et Beatriz Garcia qui formaient alors le seul équipage féminin de l’année, qui s’était totalement égaré en Mauritanie. Cette année, le duo espagnol n’est pas loin du sans faute et pointe même au 2e rang du classement général de la course de régularité du Dakar Classic.

#253 Harichoury Lilian (fra), Fertin Luc (fra), Correia Laurent (fra), Renault Trukcs, Team Boucou, Dakar Classic. Pht. Gustavo Epifanio/A.S.O

Les réactions du jour

Ricky Brabec : « Tout le monde veut gagner, c’est ce qu’il y a de meilleur »

Le tenant du titre s’est hissé à la deuxième place du classement général en remportant sa troisième spéciale (prologue compris), pendant que Nacho Cornejo subissait une chute.

« Je suis sûr que Nacho a beaucoup de pression. Mener le Dakar, ce n’est pas facile. Il ne s’agit pas de pression venant de l’équipe, mais à titre personnel. C’est un jeune garçon, il a super bien roulé toute la semaine, il a surpris tout le monde, c’est le meilleur navigateur du rallye. On sait dans l’équipe que tout le monde veut gagner, c’est ce qu’il y a de meilleur. Il n’y aura pas de consigne d’équipe. »

Yazeed Al Rajhi : « C’était risqué, mais on voulait gagner »

Le pilote saoudien a gagné sa deuxième étape sur le Dakar 2021, en relevant un pari risqué en fin d’étape.

« On a bien roulé et Dirk a fait un super boulot aussi. Mais à 30 km de l’arrivée, on a eu une crevaison. On a décidé de continuer en se disant qu’il ne restait plus beaucoup de distance, puis le pneu a été complètement déchiqueté mais on a terminé comme ça. C’était risqué, mais on voulait gagner. On s’est dit que si on s’arrêtait, on allait perdre 1’20’’, et si on ralentissait juste un peu, on ne perdrait peut-être que 45’’. »

Stéphane Peterhansel : « La pression est là constamment »

Le leader du classement général abordera demain une étape décisive avec 17 minutes d’avance sur Nasser Al Attiyah.

« La navigation était faite pour essayer de perdre les pilotes, ce n’était pas évident. On n’a pas vraiment tourné, mais on a pas mal hésité. On perd très peu de temps sur Nasser, c’était le principal pour nous. Dès qu’on a des hésitations, on sent qu’on se tend et c’est là qu’il faut rester le plus calme possible. La pression est là constamment du matin au soir. Quand on fait une bonne étape, on sait que ce serait dommage de tout perdre ! La meilleure position est quand même celle du leader, mais c’est aussi celle où on a tout à perdre. »

Nasser Al Attiyah : « La clé du Dakar ce sera demain »

Dans la peau du chasseur, Nasser Al Attiyah a un retard de 17 minutes à combler sur Stéphane Peterhansel.

« La navigation n’était pas facile, mais je suis plutôt content d’avoir fini l’étape sans problème. Pour moi, la clé du Dakar ce sera demain, l’étape sera compliquée mais on fera de notre mieux. Il n’ y a pas de stratégie, on va juste continuer à un bon rythme. C’est sûr que Stéphane a plus de pression puisqu’il est le leader, mais moi j’en ai aussi : si je n’y arrive pas, je vais finir à la deuxième place. »

Martin Macik : « On a montré le chemin à nos adversaires »

Homme en forme de cette fin de rallye, Martin Macik enchaîne une deuxième victoire de suite alors qu’il ouvrait aujourd’hui la piste. Le Tchèque consolide sa cinquième place au classement général.

« C’était difficile au début, mais après on s’est fait plaisir. On a fait quelques erreurs de navigation et on a ainsi montré le chemin à nos adversaires car les ordres de départ étaient aujourd’hui très resserrés. »

Pablo Copetti : « Je me suis mis en mode motocross »

Vainqueur à l’arrivée de l’étape reliant Neom à Al Ula, Pablo Copetti conforte sa quatrième place au classement général. A moins d’un coup de théâtre, l’Argentin aura du mal à aller chercher le podium final.

« C’était une étape longue et rapide. J’étais cinquième jusqu’à mi-parcours, et puis quand j’ai rejoint les autres j’ai attaqué à fond. Je me suis mis en mode motocross. Je suis heureux de remporter ma seconde victoire sur le Dakar. »

Les classements ici

Information in English

A bittersweet day for Honda

Focus

Welcome to a different world. Over hundreds of thousands of years, geological processes fashion rocks into gargantuan sculptures with shapes that can be familiar or, on the contrary, rather psychedelic: a mushroom here, a mammoth there, over there a tulip, a pyramid or a Greek colony… In this surrealist landscape, the competitors’ main concern was navigating. Not everyone enjoyed this exercise, including Sam Sunderland, who came close to losing his podium spot. If he managed to keep it, it was only thanks to the setback suffered by Nacho Cornejo, whose hopes of victory were dashed just as the rally came within a hundred kilometres or so of the millennia-old Nabataean funerary monuments for which Al-ʿUla is famous.

Outline

No-one expected this to turn into a game of survival. The four Honda riders surrounding Sam Sunderland in the top 5 of the general standings had no need to set an infernal pace to keep a lid on the race. In fact, no-one can accuse them of being reckless in today’s stage… but Nacho Cornejo ended up crashing 252 km into the special anyway (see A crushing blow). The Chilean was evacuated from the race 90 kilometres down the road, at the finish of the special that Ricky Brabec won at the same time as he rocketed up to second place overall (see Performance of the day). It is hard to look past the reigning champion and his teammate Kevin Benavides, now leading the rally by 1′04″, in the fight for the title. Meanwhile, in the car category, the latest duel between Stéphane Peterhansel and Nasser Al-Attiyah did not lead to major changes, as the 49″ lost by the Mini driver barely made a dent in his lead ahead of an even more vicious battle tomorrow. Yazeed Al-Rajhi pounced on the opportunity to take another stage win as a consolation prize for not being able to challenge for the title. Pablo Copetti left the opposition in the dust in the quad category, but he remains in fourth place overall with clear daylight between him and leader Manuel Andújar. « Chaleco » López was also unfazed by Sergey Karyakin’s victory in the lightweight vehicle category, but he would do well to keep a close eye on fellow Can-Am driver Austin Jones at 10′13″. 24 hours after claiming his maiden stage, Martin Macík made it two in a row with a new triumph over the Kamaz drivers, but without loosening their iron grip on the general standings.

Performance of the day

It is no coincidence that Ricky Brabec is the defending champion! The American reached the rest day stuck in the doldrums, almost 20 minutes behind the leader, but his reaction has been swift and spectacular. He won the first part of the marathon stage and has since finished every stage on the podium. The Honda rider continued to make up time as his main rivals, including Xavier De Soultrait, Toby Price and Nacho Cornejo, made fatal mistakes. Brabec’s win in stage 10, combined with Kevin Benavides’s mediocre performance in the same special, bring the American within one minute of his stablemate in the general standings. Tomorrow, Brabec will face the challenge of opening the longest stage in this year’s edition… but he already acquitted himself brilliantly today by opening the way after overtaking Benavides.

A crushing blow

Nacho Cornejo’s supporters in Chile were probably already preparing to celebrate. Their hero seemed poised to win the Dakar at the young age of 26 and was heading into the final stages with a margin of 11 minutes and a calm, collected approach that pre-empted unnecessary risks. Even after his crash, the folks in Iquique must have breathed a sigh of relief when they saw their boy jump right back on his bike. However, it all went downhill from there. First, the effects of the crash slowed Cornejo down to the point that he surrendered the lead and faced a vicious high-stakes battle in the last two stages. Shortly after, the Honda rider was forced to withdraw from the race due to a concussion that required close surveillance and in-depth examinations. Leaving his fifth Dakar in a helicopter is probably not what he was expecting.

Stat of the day: 7

Although Sergey Karyakin finished as runner-up to Sergey Karyakin last year, the Russian had not won a stage in the Dakar stage since 2019. Today’s victory made Karyakin the seventh stage winner of this year’s edition in the lightweight vehicle category. The 2021 edition was a bumper crop for records, including the first woman to win a stage since 2005, Cristina Gutiérrez, and the youngest ever Dakar stage winner, 18-year-old Seth Quintero. Not to mention Kris Meeke, who like the Red Bull Off-road Team duo is also making his lightweight vehicle debut. Three rookie stage winners make this the most open category of the rally… and who knows what the last two stages will bring!

The makings of a Classic

Juan Donatiu and Pere Serrat Puig entered the race in a Mitsubishi Montero used in the 2005 Dakar by Julia and Beatriz García, the only all-female crew in that year’s edition, who ended up completely lost in Mauritania. This time round, the Spanish duo have turned in an almost flawless performance so far and currently sit in second place overall in the Dakar Classic regularity race.

Quote of the day

Ricky Brabec: « We all know we all wanna win. Winning is the best thing there is in life »

The reigning champion moved up to second place overall thanks to his third win (including the prologue) and Nacho Cornejo’s crash.

« I’m sure Nacho has a lot of pressure. Leading the Dakar is not easy. I don’t think there’s a lot of pressure from the team, but for a personal goal I think he has a lot of pressure. He’s a young kid, he’s been riding well all week, he’s been surprising everybody. He’s the best navigator at this rally. We all know we all wanna win. Winning is the best thing there is in life. There’s no real team orders. »