L’œil dans l’objectif
Après les pluies de la nuit sur Ha’il et le Nord de l’Arabie Saoudite, les premiers à partir au petit matin ont quitté le bivouac sous la brume. Au programme, du sable au milieu de montagnes culminant jusqu’à 1500 mètres d’altitude et célèbres à travers le monde pour leurs gravures rupestres. S’il y avait bien de la pierre à quelques endroits du parcours, les pistes sablonneuses occupaient 85% de la spéciale, dont 4% de dunes. Reportés sur les 333 km chronométrés, ces chiffres prennent un tout autre relief que des pourcentages ! Et David Castera avait prévenu et rappelé au briefing de la veille : les concurrents devaient se préparer à « rentrer dans le vif du sujet ». Et ce n’est pas Stéphane Peterhansel ni Carlos Sainz qui diront le contraire (voir Coup dur). Pour une entrée en matière, les Audi des deux stars ont été servies.
L’essentiel
Il fallait tenir son rang aujourd’hui, et la partie n’avait rien de simple, y compris avec la position avantageuse que Daniel Sanders avait gagné à la force de sa poignée de gaz en s’imposant hier. L’Australien a naturellement choisi de partir en 15e position comme l’y a autorisé ce règlement inédit sur le Dakar. Et il a tout simplement dépassé ses 14 devanciers pour arriver le premier sur la ligne d’arrivée de la spéciale.
Meilleur temps bien entendu pour le pilote GasGas, avec 2’07’’ d’avance sur Pablo Quintanilla. Le Chilien de chez Honda est aussi 2e du classement général derrière le double vainqueur d’étape, à 3’07’’.
Déjà en retrait, Matthias Walkner a franchi la barre des dix minutes, tandis que de nombreux favoris ont connu un jardinage fatal : Kevin Benavides pointe à 36’, Joan Barreda à 41’, Toby Price à 47’, « Nacho » Cornejo à 53’. Nasser Al Attiyah s’est placé en mode conquérant en prenant le départ en 10e position. Il a tout simplement enfumé neuf voitures sur sa route.
Seul en capacité de tenir son rythme, Sébastien Loeb a fait le choix judicieux de se caler dans la roue du duo Al Attiyah-Baumel qui n’a commis aucune faute de navigation. Le patron qatarien dispose déjà de 12’ d’avance sur Loeb, et si Martin Prokop limite les frais, le verdict est déjà lourd pour l’essentiel de ses rivaux.
Il est même insurmontable pour les Audi de Stéphane Peterhansel et de Carlos Sainz (voir « le coup dur du jour »). Chez les « Proto-Légers », le show Quintero se poursuit, mais le match reste serré puisque « Chaleco » Lopez suit le jeune Américain à 1’58’’ au classement général. Chez les SSV, la main reste polonaise, mais c’est Aron Domzala qui succède à Marek Goczal et prend la tête du classement général. Le bleu reste au sommet en camions, le tenant du titre Dmitry Sotnikov ayant repris l’avantage sur Eduard Nikolaev. Mais Ales s’est intercalé en 3e position de la hiérarchie pour briser la monochromie.
La perf’ du jour
Mason Klein a tout d’un grand, sauf son nom qui signifie « petit » en allemand ! Mais les Autrichiens de chez KTM ont déjà dû l’écrire en gras sur leur liste de potentielle recrue ! L’Américain qui a fêté ses vingt ans en remportant la catégorie Rally2 au Maroc en octobre dernier pour sa première sortie « oversea » est entré aujourd’hui dans la cour des grands, quatrième devant une bonne partie du gratin. Déboussolé à l’arrivée de la spéciale par l’expérience « géniale » qu’il venait de vivre, Mason avouait même avoir relevé des erreurs de navigation de certains de ses prédécesseurs qu’il n’avait pas suivis, signe d’une maturité et d’un culot hors norme. Celui qui occupe ce soir la 5e place du général écume les déserts de sa Californie natale depuis l’âge de douze ans. Le désert, c’est son affaire. Son déclic, c’est le meilleur « rookie » 2020, son compatriote et pote Skyler Howes, recruté par Husqvarna et qu’il n’hésite pas à désigner comme son « mentor ». Malgré sa performance du jour, il avoue un point faible : « je ne me sens définitivement pas dans mon élément dans les dunes ». Une question de temps, « kid » !
Le coup dur du jour
Classé 14e à l’issue de la spéciale de qualification samedi, Stéphane Peterhansel a pu profiter des traces de ses adversaires pour remonter rapidement dans la hiérarchie dès le départ de l’étape. Parmi les leaders au premier pointage, la spéciale s’est malheureusement arrêtée net au km 153 pour Monsieur Dakar qui a arraché le train arrière de la Audi RS Q e-tron. Si le Français ne jette pas l’éponge, il est clair qu’une 15e victoire au Dakar ne sera pas pour cette année.
Dans le clan Audi, les coups durs se sont succédé puisque Carlos Sainz a perdu plus de deux heures à jardiner à hauteur du km 250. Relégué au 32e rang du classement général, un nouveau triomphe d’« El Matador » au Dakar ressemble de plus en plus à un mirage.
La stat’ du jour : 15
Troisième chez les SSV l’an dernier avec une victoire d’étape, Aron Domzala a renoué avec la plus haute marche du podium au terme de l’étape 1B du 44e Dakar. Et en s’imposant pour la troisième fois dans le plus prestigieux des rallyes-raids, le pilote Can-Am s’est hissé au niveau de Lukasz Laskawiec au deuxième rang du classement des Polonais qui en comptent le plus et porte à 15 le total de leurs victoires. Seul le quadeur Rafal Sonik (6 succès), unique Polonais à avoir gagné le Dakar, le devance. Dans ce club très fermé, il y a aussi Krzysztof Hołowczyc (1), qui a quant à lui réussi l’exploit de figurer sur le podium en auto (3e en 2015).
World rally-raid Championish
Al Attiyah … et le retour des Argentins
Il n’y a aucun doute sur l’appétit d’ogre de Nasser Al Attiyah, hiver comme été. Ses dispositions de compétiteur l’ont amené à remporter à 5 reprises la coupe du monde de rallye tout-terrain (2008, 2015, 2016, 2017 et 2021), dont il est le corecordman avec Jean-Louis Schlesser. C’est avec le même enthousiasme qu’il s’engage dans le championnat du monde de rallye-raid FIA, dont il vient de rafler la première dotation à Ha’il. Les 5 points en question lui donnent le plus petit des avantages sur Sébastien Loeb. L’histoire retiendra peut-être que deux pilotes Argentins, qui ont aussi en commun de faire leur retour sur le Dakar pour la naissance du W2RC après quatre ans d’absence sur l’épreuve, font partie des premiers bénéficiaires : Lucio Alvarez avec 3 points, Sebastian Halpern avec 1 point.
Sur un air de Classic
Le « classico » entre la France et l’Espagne a débuté aujourd’hui ! Les deux nations les plus représentées au Dakar Classic, avec 44 véhicules tricolores contre 37 en provenance de l’autre côté des Pyrénées, sont solidement installées dans le top 10. 1-1 à l’issue de l’étape 1. C’est l’un des 41 Toyota HDJ 80, celui engagé par Xavier Pina Garnatcha et Sergi Giralt Valero, qui ouvre le score à Ha’il, à égalité de points avec le Protruck du couple français Panagiotis, vainqueur hier de la première mi-temps entre Jeddah et Ha’il. Stéphane Lamarre, le numéro 10 de la première édition du Dakar Classic, a fait parler l’accélération de sa Porsche 911 East Africa en entrant dans la surface de réparation. Il passe de la 6e à la 3e position, à égalité de points avec un autre couple français en Protruck, celui des Galpin du Team FJ, importateur du Nascar en Europe et en appui en quatrième position. 5e et ex-aequo aux points encore, le Mitsubishi Pajero de leurs compatriotes Jean-Michel Gayte et Maxime Vial se pointe aussi en attaque. Match retour dès demain sur le sable Saoudien !
La réaction du jour
Sébastien Loeb : « au final, c’est plutôt bien »
Victime de deux crevaisons malgré ses grandes roues, Loeb assure en terminant 2e du jour et du général provisoire.
« Ce n’était vraiment pas simple, on s’est fait avoir pour commencer par deux crevaisons avant la neutral’. En deuxième partie, je n’avais pas le droit à l’erreur. Puis Nasser nous a rattrapé, je roulais un peu cool. Ce n’est que la première étape qui n’était pas annoncé comme l’une des plus difficiles, je pense qu’il va nous falloir rester concentrés. Le début de journée ne nous a pas mis en confiance, mais au final, c’est plutôt bien. »
Ils ont dit :
Nasser Al-Attiyah : « Je suis content du travail que Mathieu et moi avons fait aujourd’hui. J’ai vraiment poussé du début à la fin. La navigation de Mathieu était super. Sébastien était derrière nous tout le long donc ce n’était jamais facile. Terminer la première journée avec une bonne avance est un début incroyable, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Sébastien Loeb : « C’était une étape longue et difficile. La navigation était vraiment délicate aujourd’hui. Le terrain était accidenté par endroits et nous avons eu deux crevaisons à gérer. Ce fut une étape difficile pour démarrer les choses.
Giniel de Villiers : « Une étape pas facile. Terrain difficile et au km270 nous nous sommes perdus en allant trop à droite. Nous avons perdu 15 minutes là-bas, puis nous avons eu une crevaison. Ce n’est pas une journée parfaite, mais nous sommes là.
Cyril Despres : « Nous avons eu deux crevaisons dans les 50 premiers kilomètres. Nous savions alors que la journée s’annonçait difficile pour nous. Nous avons fait ce que nous devions faire pour survivre à la journée et nous y retournerons demain.
Mattias Ekstrom : « C’était notre première longue étape sur le Dakar et dès le début, j’étais confiant dans les réglages. Les 150 premiers kilomètres se sont déroulés en douceur. Ensuite, nous avons rencontré des problèmes. Il y avait un grand chaos à l’un des points de cheminement. Nous avons fini par rater ce waypoint et cela nous coûtera beaucoup de temps. Ce fut une fin décevante pour une journée qui avait si bien commencé.
Stéphane Peterhansel : « J’ai toujours dit que chaque kilomètre du Dakar peut être dangereux. Aujourd’hui, après seulement 150 km de notre rallye, nous nous sommes fait prendre et ce n’est pas facile à accepter, mais c’est la course. Nous savions que ce serait un rallye difficile pour nous, mais nous ne nous attendions pas à ce qu’un problème avec notre bras de suspension ait un tel impact sur notre course. Comme pour tout problème, il y a une chance d’apprendre. Maintenant, notre objectif pour le reste du rallye est de parcourir le plus de kilomètres possible.
Daniel Sanders : « Après avoir remporté le prologue, je suis parti aujourd’hui en 15ème position. Au ravitaillement, je rattrapais des gars donc je savais que je n’allais pas trop mal. Je suis arrivé à un endroit où quelques autres avaient fait une erreur. J’ai réussi à trouver le chemin et à atteindre le prochain waypoint.
Matthias Walkner : « C’était une journée difficile pour la navigation, les précipitations ont bien sûr compliqué les choses. C’était une première étape difficile. J’étais dans un groupe solide et nous avons franchi la ligne d’arrivée ensemble aussi vite que possible.
Sam Sunderland : « Ils nous ont définitivement jetés dans le grand bain aujourd’hui ! J’allais bien mais au km 276 je n’ai pas pu trouver le waypoint. C’était la même chose pour tout le groupe avec lequel j’étais. Après ça, j’ai juste essayé de pousser comme un diable jusqu’à l’arrivée pour essayer de récupérer le temps perdu.
Toby Price : « C’était un peu difficile aujourd’hui. Il y avait une note qui ne semblait pas correspondre correctement. J’ai fini par m’y perdre pendant plus de 45 minutes. Ce n’est pas la meilleure façon de commencer le rallye mais c’est encore le début.
Danilo Petrucci : « Je suis vraiment très content de finir ma première grande étape du Dakar. Il y avait de grosses dunes dans la partie finale donc je suis content de les avoir surmontées. J’ai mal à la cheville mais j’ai fini la journée.
Mohammed Balooshi : « L’étape était difficile et semblait beaucoup plus longue que 334 km. Sur le papier, tout avait l’air bien, mais la réalité était quelque chose de différent.
Camille Chapelière : « Aujourd’hui, c’était un peu compliqué. J’ai raté un waypoint donc j’ai dû revenir et ça m’a coûté beaucoup de temps. Après ça, j’ai vraiment essayé de pousser pour récupérer du temps et passer certains des gars qui m’avaient dépassé. Ce fut une journée difficile.
Mohammed Jaffar : « C’était un bon début pour moi. Le désert était agréable, mais après la pluie, c’était aussi difficile. Il y avait aussi des passages délicats dans les gros rochers, ce type de pilotage n’est pas ma spécialité.
Seth Quintero : « L’étape 1 s’est très bien passée. Mon état d’esprit avant cette course était d’aller lentement dans le lent et d’aller vite dans le rapide. C’est exactement ce que nous avons fait.
Chaleco Lopez : « C’était une journée complète sur le Dakar. Au début, nous avons dû résoudre un problème électrique dans la voiture. Ensuite, les choses ont commencé à devenir très délicates avec la navigation. Nous avons trouvé un bon chemin et nous devons nous contenter de notre travail aujourd’hui.
Cristina Gutiérrez : « La navigation a été très dure. Tout le monde s’est perdu, tout le monde se retourne, beaucoup de morceaux. Il était impossible de ne pas y perdre plus de temps. Enfin, nous pouvions atteindre l’arrivée de l’étape.