3 décembre 2024

“Storie Alfa Romeo”, 8ème épisode, style, sportivité et innovation : l’Alfa 156 fut un remarquable succès pour Alfa Romeo

  • Un million de visiteurs dans les concessions lors de son lancement et plus de 680 000 exemplaires vendus : des données qui confirment que l’Alfa 156 est l’une des plus grandes réussites d’Alfa Romeo.
  • Présentée en 1997, elle a rapidement conquis clients et critiques et remporté le très important titre de «Voiture de l’année» en 1998.
  • Le 156 était un extraordinaire mélange de force, d’innovation et de classicisme, tout en ayant relancé les études chromatiques qui avaient précédemment été au cœur des projets Carabo et Montreal.
  • C’était aussi une voiture révolutionnaire d’un point de vue technique, dotée d’innovations qui lui ont permis de devenir une nouvelle référence parmi les berlines sportives, alliant puissance, légèreté et contrôle : des caractéristiques propres à l’ADN Alfa Romeo.
  • Magnifique, passionnante et victorieuse : en 10 ans de championnats Grand Tourisme, elle allait remporter 13 titres.

Une berline au cœur sportif

A son lancement, près d’un million de visiteurs se rendent dans les concession Alfa Romeo lors du premier dimanche de portes ouvertes. Plus de 100 000 commandes sont enregistrées en quelques mois. Et 680 000 exemplaires ont été produits entre 1997 et 2005. Ces données font de l’Alfa 156 l’un des plus grands succès de l’histoire d’Alfa Romeo.

L’Alfa 156 fut présentée à la presse internationale le 24 octobre 1997 au Centro Cultural de Belém à Lisbonne. Les intentions de la marque étaient claires : créer une berline qui saurait allier excellence stylistique et comportement dynamique impeccable, réalisant un équilibre parfait entre performance et maniabilité. Une formule 100% conforme à l’ADN Alfa Romeo.

L’objectif était très ambitieux et le résultat à la hauteur : l’Alfa 156 allait être l’une des meilleures tractions avant de tous les temps.

Alfa Romeo et la traction avant

Les toutes premières voitures de l’histoire étaient équipées de roues motrices arrière. Mais dès le début, le principe de la traction avant fascinaient déjà les concepteurs. Les responsables techniques d’Alfa Romeo y réfléchissaient déjà dès l’immédiate après-guerre. Satta Puliga et Busso étaient convaincus du potentiel de cette solution et avaient lancé un programme de développement visant à faire de la 1900 Berlina la première traction avant de la marque. Cependant, l’entreprise décida finalement de prendre une direction différente. Au début des années cinquante, l’idée de créer un modèle plus petit à traction avant avait été envisagée, conduisant à des études sur différents types de groupes motopropulseurs.

Cependant, aucun de ces projets n’atteint la phase d’industrialisation. Pour autant, la décision n’était que retardée. Alfa Romeo décida en effet d’étendre sa gamme avec un modèle plus petit que la Giulietta et ‘’tout à l’avant’’ destiné à amplifier fortement les ventes.

Ce nouveau projet fut confié à Rudolf Hruska, le «père» des différentes versions de Giulietta. Alfa Romeo lui confia une double responsabilité : concevoir simultanément la nouvelle voiture et l’usine où elle serait construite. Ainsi allait naître l’Alfasud, le premier modèle traction avant d’Alfa Romeo.

Le projet Alfasud est né à la fois «d’une feuille blanche» et «de champs verts».  Il s’agit de l’un des rares cas où une usine automobile fut conçue et construite pour produire un tout nouveau modèle spécifique. La voiture n’avait aucune contrainte technique à respecter, à part respecter ses objectifs en termes de produit. Comme le décrivit Hruska quelques temps plus tard, «il était évident que cela devait être une traction avant. Et il fallait que ce soit une 5 places compacte luxueuse disposant d’un très grand coffre».

Le moteur « boxer » de 1,2 litre (avec cylindres opposés) fut préféré au 4 cylindres en ligne car il est plus bas et plus adapté à un profil aérodynamique. L’inédite carrosserie deux volumes avait été dessinée pour améliorer l’accès au coffre dont le volume atteignait 400 litres grâce au réservoir de carburant placé sous le siège arrière plutôt qu’entre la banquette et le coffre. Cela conduisit à une approche innovante, fonctionnelle et sûre qui allait être largement imitée par la suite.

L’Alfasud fut la première commande importante prise par Giorgetto Giugiaro et elle s’est avérée être un grand succès commercial. Pour respecter toutes les contraintes d’espace et de dimensions, le jeune styliste inventa un arrière réhaussé caractéristique, le reliant à l’avant très aérodynamique par une ligne simple et épurée.

L’Alfasud entra en production en 1972, l’année où la production de la marque dépassa le premier million d’exemplaires depuis sa création en 1910. A elle seule, l’Alfasud allait pratiquement égaler ce nombre, avec 900 925 unités produites entre 1972 et 1984 (sans parler des versions Sprint), devenant alors l’Alfa Romeo la plus produite de tous les temps.

De la rationalisation industrielle à la centralité de la marque

En 1986, l’IRI (propriétaire public d’Alfa Romeo depuis 1933) vendit la marque au groupe Fiat et comme dans tous les processus d’intégration industrielle, les premières années furent principalement consacrées à la rationalisation des chaînes de production et de approvisionnements.

Dans les années 80, le mot d’ordre pour tous les constructeurs automobiles était « synergies ». Conception et produits étaient de plus en plus standardisés pour des raisons de coût. Les designers étaient donc obligés de respecter des contraintes strictes (telles que la taille des portes), ce qui étouffait leur créativité.

Au cours des années suivantes, ces règles allaient s’assouplir. Les acheteurs n’aimaient pas la standardisation excessive et commencèrent à rechercher des modèles affichant plus de caractère. La personnalité de la Marque reprit son importance perdue, influençant les choix du public. Cette évolution allait changer l’histoire de la conception automobile au tournant du siècle.

Conduite sportive, haute performance, innovation (et style)

Pour Alfa Romeo, cela signifiait un retour à ses origines. La première grande étape pour relancer les caractéristiques distinctives de la marque allait être de faire revivre Alfa Corse, la glorieuse équipe de course où le jeune Enzo Ferrari avait fait ses premiers pas. En 1993, la 155 GTA participa au DTM, le championnat du tourisme Allemand. Le pilote Nicola Larini remporta 11 des 20 courses et le titre, ramenant Alfa Romeo sur la plus haute marche du podium au Nürburgring.

L’apport du design redevint primordial. En 1987, l’Alfa 164, premier vaisseau amiral à traction avant de la marque, avait été dessinée par Pininfarina. Mais à partir de ce moment, le rôle du Centro Stile interne d’Alfa Romeo allait devenir de plus en plus important.

À Arese, les technologies, les équipes et les processus changèrent. De nouveaux systèmes assistés par ordinateur furent introduits pour la conception et le prototypage. L’équipe du Centro Stile était désormais intégrée aux équipes de conception des plates-formes et participait donc également en toute logique aux choix technologiques.  De fait, tout ce qui était fonctionnel devait être également beau, et inversement. La forme et le fond vont toujours de pair, ce que l’on appelle chez Alfa Romeo la « beauté nécessaire ».

 Concevoir une nouvelle gamme

Le Centro Stile a créé non seulement le style d’un modèle mais il a conçu une gamme complète. Et quelques années plus tard, le rêve est devenu réalité. En 1994, la marque a introduit une originale trois portes à deux volumes (l’Alfa 145) sur le segment « C » et l’année suivante sa version cinq portes en deux volumes et demi (l’Alfa 146). Puis suivirent les sportives GTV et Spider, créés en collaboration avec Pininfarina. Mais le véritable tournant est arrivé avec l’Alfa 156.

Le style de la 156 était un extraordinaire mélange de force, d’innovation et de classicisme. La face avant reprenait sa prédominance et se projetait sur le capot. De face, les ailes semblaient enserrer les roues au ras de la carrosserie, donnant à l’ensemble une force rayonnante et une sensation de tenue de route sans faille. La répartition entre les surfaces vitrées et le reste de la carrosserie la faisait plus ressembler à un coupé qu’à une berline. Les poignées de portières arrière avait disparu, intégrées presque invisiblement aux cadres de vitres, et les flancs nets mettaient en évidence un profil élégant et dynamique. « Elle semble en mouvement, même à l’arrêt », commentait alors son créateur Walter de Silva.

L’Alfa 156 a bénéficié des recherches chromatiques initiées avec la Carabo et la Montreal puis par la suite le concept Nuvola. Les designers d’Alfa Romeo avaient puisé leur inspiration dans les collections du Museo Storico, à l’endroit même où elles se trouvent encore aujourd’hui : en observant la couleur de la mythique 8C 2900 B de 1938, ils allaient créer le fameux bleu « Nuvola » dont la peinture multicouche et l’effet mica donnaient à la voiture des reflets irisés et changeants en fonction de la lumière extérieure.

Sportivité avancée

La 156 était également une voiture remarquable d’un point de vue technique. Les concepteurs avaient été invités à développer le concept de «sportivité avancée» en alliant puissance, légèreté et contrôle. Une formule qui correspondait parfaitement à l’esprit d’Alfa Romeo.

Pour atteindre cet objectif, de nouveaux matériaux furent introduits (tels le magnésium ou des aciers haute résistance spécifiques), des systèmes de suspension très raffinés furent conçus (à l’exemple du quadrilatère haut à l’avant) et un soin tout particulier fut accordé aux réglages mécaniques afin d’améliorer la tenue de route et la précision des trajectoires.

L’Alfa 156 a convaincu tout le monde. Il s’agissait de la berline la plus excitante à conduire de toute sa génération. Et sa déclinaison sportive s’est avérée gagnante, remportant 13 titres en 10 années de participations en championnats Grand Tourisme.

La naissance du « Common Rail »

Lors du lancement, 6 motorisations étaient proposées. Le célèbre V6 Busso était accompagné de 3 moteurs Twin Spark qui combinaient pour la première fois le double allumage (une technologie déjà utilisée par Giuseppe Merosi en 1914) avec les 4 soupapes par cylindre.

A l’époque, le marché européen était encore dominé par les motorisations essence mais la situation était sur le point de changer. Et c’est Alfa Romeo qui allait lancer une véritable révolution : l’Alfa 156 allait en effet être la première voiture au monde à utiliser le système “Common Rail”.

Les journalistes testant les versions 1.9 et 2.4 JTD à Lisbonne furent étonnés car pour la première fois, les moteurs diesel offraient des performances, un silence et un confort d’utilisation au niveau des essences.

« Voiture de l’année »

Avec toutes ces qualités, l’Alfa 156 avait conquis le cœur du public et de la critique. Elle allait remporter le prestigieux titre de «Voiture de l’année» 1998. Une première pour Alfa Romeo. Sa sœur cadette, l’Alfa 147 qui partageait non seulement le même ‘’family feeling’’ en termes de style mais aussi au niveau des motorisations et des suspensions, allait suivre la même voie quelques années plus tard en remportant le titre de voiture de l’année 2001.