29 avril 2024

Dakar, étape 7, 8 et 9, Van Beveren et Loeb en mode super-conquérants

Etape 7, Riyadh – Al Duwadini, Cornejo et Loeb voient triple

L’œil dans l’objectif

A part pour les piètres navigateurs qui rallongent démesurément la distance, on dépasse rarement les 850 kilomètres sur une étape du Dakar. Ce n’est même arrivé qu’une seule fois en Arabie Saoudite avec cette journée de reprise, au départ de Riyadh et en mettant le cap sur Al Duwadimi, 874 kilomètres plus loin en suivant à la case près l’itinéraire indiqué. Dans ce long périple, et en particulier sur les 483 kilomètres de secteur chronométré, il y avait bien sûr matière à varier les plaisirs. Au milieu des canyons, en hors-piste ou au cœur des dunes, il a fallu tour à tour se montrer solide dans tous les compartiments du jeu. Vigilant, inspiré, vif, concentré, « Nacho » Cornejo a été le plus complet à moto pour réaliser le meilleur temps du jour. Sébastien Loeb, en ouvreur insaisissable, a lui aussi livré une partition parfaite pour s’imposer une troisième fois cette année et mettre la pression sur Carlos Sainz.

L’essentiel

Plus le Dakar avance, et plus son issue est incertaine. Le scénario ne se produit pas systématiquement, mais le millésime 2024 semble se prêter au rebondissement. Sur le terrain des étapes, on ne parle pas d’une surprise avec l’arrivée de Cornejo en vainqueur à Al Duwadimi. Le Chilien a accompli neuf fois cette performance dans sa carrière, trois fois cette année dont dimanche dernier au même endroit en venant d’AlUla. Il se replace ainsi sur le podium du général, de plus en plus difficile à prédire à ce stade. D’abord car Adrien Van Beveren en a été délogé, subissant sa position d’ouvreur mais n’ayant pas dit son dernier mot puisqu’il accuse un retard contenu à 14’39’’. Surtout, la position de leader de Ricky Brabec ne tient qu’à un fil, puisque Ross Branch, même privé de son frein avant, continue de défendre crânement ses chances et se rapproche à 1’’ (voir la stat).

#11, Jose Ignacio Cornejo Florimo, Honda. pht. Jenifer Lindini

Les événements qui animent la troupe des Rally 2 confirment bien cette impression, puisqu’après Romain Dumontier dans l’Empty Quarter, c’est au tour de Jean-Loup Lepan de perdre les commandes de la catégorie, notamment en raison d’un way-point manqué qui lui vaudra une pénalité de 15 minutes. À force d’assister à des coups du sort qui frappent tous azimuts, il doit être difficile de se sentir à l’abri dans l’un des Ultimate de pointe. Aujourd’hui, c’est Mattias Ekstrom qui a été éjecté du podium provisoire (voir coup dur), toujours dominé par Carlos Sainz, mais jusqu’à quand ?

#203, Sébastien Loeb, BRX. pht. F Le Floch

Sébastien Loeb est en effet lancé dans une opération de conquête des sommets : en gagnant comme « Nacho » une troisième fois cette année, il récupère la 2e place et se rapproche à 19 minutes de la première place. Certes, l’Espagnol a le cuir épais, mais le rapproché du nonuple champion du monde des rallyes doit tout de même lui donner quelques frissons. Dans ces conditions, l’auteur du deuxième temps du jour, Lucas Moraes, qui est également le premier poursuivant de Loeb au général, peut toujours croire en ses chances avec un petit coup de pouce du destin (voir perf du jour).

Chez les Challenger, la disqualification des Goczal pour infraction aux règlements techniques de la FIA a ouvert la porte à Mitch Guthrie pour mener la catégorie, devant Cristina Gutierrez et « Chaleco » Lopez, respectivement pointés à 33 et 40 minutes. En SSV, la victoire d’étape de Joao Ferreira n’a pas empêché Xavier de Soultrait de s’installer au sommet de la catégorie. Et chez les camions, Martin Macik remporte une troisième étape consécutive qui conforte son avantage au classement général : il roule maintenant avec 1h30’ d’avance sur son compatriote tchèque Ales Loprais.

La perf du jour

#206 , Lucas Moraes, Toyota. pht. E Vargiolu

L’an dernier, en montant sur le podium de son premier Dakar, Lucas Moraes est devenu le premier débutant en autos à atteindre le trio de tête depuis la victoire de Juha Kankkunen en 1988. Une performance acquise grâce à une régularité remarquée autant que remarquable pour un « rookie ». Bien aidé par l’auto-élimination des prétendants au podium final, le Brésilien a su remonter à la surface sans faire trop de remous. Catapulté pilote officiel Toyota Gazoo Racing aux côtés de Seth Quintero sans avoir pris part au moindre rendez-vous préparatoire du calendrier W2RC en 2023, Moraes était l’une des inconnues de l’équation du Dakar 2024. Après trois journées passées en quatrième position du général aux soirs des étapes 3, 4 et 6, Lucas vient de franchir les portes du podium, chronométré à 1h de Sainz à ce stade de la course. Au gré de la déconvenue du jour de Mattias Ekstrom certes, ce qui est précisément la recette qu’il avait appliquée pour se hisser jour après jour jusqu’à la lumière. Cette année, le Brésilien poursuit son carnaval, avec encore un pas de samba d’avance sur son tempo de l’année dernière. Devant lui, les deux chars de Sainz et Loeb dansent et jouent encore un ton au-dessus, mais en cas de fausse note, leur rythme pourrait faire les affaires de sa parade annuelle.

Le coup dur du jour

pht. A Vincent

Deux de chute ! À la journée de repos, le clan Audi pouvait se réjouir de la performance réalisée par ses pilotes, malgré le retard pris par Stéphane Peterhansel, exclu des débats pour la gagne dans la 48h chrono mais toujours en course comme équipier susceptible d’aider ses camarades en détresse. On ne doutait pas que l’occasion se présenterait aussi vite. Mais après 47 kilomètres de course dans la spéciale du jour, Mattias Ekstrom a cassé le train arrière gauche de sa RS Q e-Tron. Son éventuel sauveur est arrivé sur les lieux rapidement, mais pour constater que la réparation prendrait au mieux une paire d’heures. La question de se lancer dans ce chantier impliquait nécessairement de mettre en position vulnérable Carlos Sainz, au cas où la spéciale tournerait aussi au vinaigre pour lui. Finalement, « Peter » a repris sa route en laissant le deuxième du classement général attendre le camion d’assistance de l’équipe. C’en est donc fini des espoirs de victoire finale ou de podium pour le pilote suédois, et ils s’amenuisent également pour la marque aux anneaux. Le verre à moitié vide : il n’y a plus qu’un champion pour porter les chances d’Audi. Le verre à moitié plein : Sainz dispose maintenant de deux lieutenants dévoués à son service.

La stat’ du jour

pht. Julien Delfosse
  1. Depuis l’ouverture de ce 46e Dakar, les motards ont parcouru une distance de 2865 kilomètres. Ricky Brabec a été le plus rapide à y parvenir en 32h37’20’’. Il devance Ross Branch d’une petite seconde seulement. C’est l’écart le plus faible jamais enregistré après huit spéciales depuis que le Dakar s’est installé en Arabie Saoudite en 2020. Pour se rendre compte de la lutte féroce que se livrent les deux hommes : un écart aussi minime après 32h37’ de course représente une distance d’un peu plus de 24 mètres, soit l’équivalent d’un chapelet de 12 motos mises à bout à bout. Serré, vous dites ?

La réaction du jour

Sébastien Loeb : « Il en reste encore un devant »

pht. J Delfosse

Le pilote BRX a ouvert la piste aujourd’hui et profite des déboires d’Ekstrom pour prendre la 2e place du général… à moins de 20 minutes de Carlos Sainz.

« On fait une belle spéciale, on est allé chercher deux ou trois points qui n’étaient pas faciles. Fabian a fait un super boulot, on a quelquefois fait demi-tour mais on était bien calés tous les deux. Au final, on lâche peut-être deux minutes mais on n’a pas vraiment jardiné. C’est une bonne affaire si Ekstrom n’est plus dans le coup… mais il en reste encore un devant. Si je reprends du temps à Sainz, c’est une bonne nouvelle ».

Résultats Mission 1000 Fan Boost ici

Sur les réseaux sociaux, les fans du Dakar ont été invités à voter pour leur projet Mission 1000 préféré. Le gagnant a reçu 5 points bonus supplémentaires.

Sur un air de classic

En 2022, il avait juré que c’était la dernière fois. Stefan Calzi, engagé sur le Dakar Classic  au volant du Mitsubishi Pajero MPR 51 de Jean-Pierre Fontenay et Bruno Musmarra savait que c’était une folie de faire rouler ce pan d’histoire entier et intact de Mitsu sur le Dakar. Mais voilà, deux ans plus tard, il est à nouveau sur le Dakar Classic avec l’auto la plus historique du plateau de cette édition, classée 3e du Dakar 1996. Engagés dans le double challenge Iconic Car et Authentic Codriver, le duo navigait hier en 27e rang du général.

World Rally-Raid Championship

« Nacho » sur la trace de Luciano

Ignacio Cornejo, plus connu sous le sobriquet de « Nacho », est reconnu par ses pairs comme le meilleur navigateur parmi les Rally GP. En ouvreur de spéciale, le Chilien est capable d’analyser le road book et le terrain à une vitesse supérieure par rapport à ses concurrents. Une qualité qui ne lui a pas encore permis d’inscrire son nom à un quelconque palmarès glorieux. Sur huit Dakar, « Nacho » a signé cinq Top 10, mais il n’est jamais monté sur le podium. Au mieux, il a terminé 4e en 2020. Du côté des victoires d’étapes sur la course, son compteur était à 6 avant janvier 2024. Le jockey de l’équipe Monster Energy Honda avait par deux fois signé des doublés, en 2020 et 2022. Cette année, il est le seul pilote à avoir remporté plus d’une étape sur le Dakar. Trois même avec celle du jour après ses signatures dans les étapes 2 et 4 ! Un triplé synonyme de record personnel qui fait écho à la performance 2023 de Luciano Benavides. L’Argentin avait remporté trois étapes sur le Dakar avant de devenir champion du monde en fin de saison. Deux fois 6e du W2RC, le Chilien roule sur la trace de son voisin argentin.

Etape 8, Al Duwadimi – Hail, les battus sont des battants !

L’œil dans l’objectif

Direction Ha’il, le berceau du tout-terrain en Arabie Saoudite, où les premières générations de pilotes du pays ont été formées. Pour y parvenir, la septième étape partie d’Al Duwadimi, dont la spéciale était interrompue par un long transfert, mettait aux prises les pilotes sur deux environnements contrastés. Sur cette étape aux deux visages, avec 279 kilomètres de chrono réellement ouvert, ils ont d’abord roulé sur une épaisse couche de sable, parfois sous forme de dunes, pas toujours en hors-piste. Pour la grosse centaine de bornes précédant l’arrivée, l’explication s’est achevée sur des pistes roulantes avec quelques portions caillouteuses imposant la vigilance. Un terrain familier pour les frères Benavides, qui ont signé les deux meilleurs temps à moto. Ils ont en commun avec Mattias Ekstrom et Stéphane Peterhansel, auteurs d’un doublé Audi sur l’étape, d’avoir perdu tout espoir de victoire finale à Yanbu.

L’essentiel

Ils sont arrivés à AlUla avec les plus hautes ambitions, et elles étaient légitimes. Le tenant du titre Kevin Benavides et le champion du monde Luciano Benavides ont vu s’éloigner l’un comme l’autre cette heureuse perspective pendant la première semaine de course. Elle n’est pas totalement irréaliste pour le pilote KTM, qui remonte au 5e rang de la hiérarchie avec sa victoire à Ha’il, à 20 minutes de Ricky Brabec tout de même, mais très improbable pour son cadet chez Husqvarna, en 8e position avec un débours de près de 40 minutes.

#47, Kevin Benavides, KTM. pht. pht. C Lopez

Après une année 2023 qui a porté la signature des frérots argentins, ils signent à Ha’il leur premier doublé familial dans leur histoire commune sur le Dakar, à défaut de jouer comme ils l’espéraient les tout premiers rôles. Car devant eux, la bataille des nerfs est bel et bien lancée entre les cadors de la catégorie. Et au regard des classements intermédiaires, il est autorisé de penser que la stratégie du coup de frein ait servi de référence aux prétendants au titre. En tête sur l’essentiel de la spéciale, le leader américain de la course a finalement signé un 7e temps qui le met dans une position de départ avantageuse pour le rendez-vous de demain, tandis que Ross Branch a fait « encore mieux » en signant le 8e temps. Adrien Van Beveren, qui a senti venir l’embrouille un peu tard, hérite d’un 3e temps qui ne fera peut-être pas ses affaires lorsque tous ses collègues de Honda seront à ses trousses sur la route d’AlUla. Stéphane Peterhansel et Mattias Ekstrom ont eux aussi démarré le Dakar avec le rêve de soulever le trophée du Touareg à Yanbu. Leurs illusions se sont respectivement envolées dans l’Empty Quarter et dans l’étape de reprise d’hier, mais ils signent aujourd’hui un doublé Audi à bénéfices multiples, en particulier pour favoriser les plans de leur capitaine Carlos Sainz (voir perf du jour).

#207, Mattias Ekstrom, Audi. pht. F Gooden

L’Espagnol peut toujours craindre un retour de Sébastien Loeb, même s’il a perdu une occasion de se rapprocher du leader du Dakar sur une erreur de navigation qui lui a valu un détour de 5 kilomètres dans la campagne saoudienne. « On perd à peu près ce qu’on a gagné hier », c’est un peu la vie de Loeb sur le Dakar ces dernières années. Il lui faudra maintenant réaliser une série de quatre journées sans la moindre erreur pour espérer déloger son rival du fauteuil de leader. Dans la lutte pour les accessits, la bonne opération du jour est à mettre à l’actif de Guerlain Chicherit en remontant de la 8e à la 6e place du général, il ferme aussi un train de quatre Toyota, avec Moraes (3e), De Mevius (4e) et De Villiers (5e), qui poursuit à distance le duo Sainz-Loeb.

Chez les Challenger, Mitch Guthrie dispose d’un matelas chronométrique suffisamment épais sur Cristina Gutierrez pour courir après les secondes et les minutes. C’est peut-être ce contexte qui a permis à Saleh Alsaif  de s’imposer pour la première fois dans la catégorie. En SSV, Xavier de Soultrait peut en revanche s’inquiéter de voir le Joao Ferreira monter en régime sur cette deuxième semaine de course : le Portugais a remporté la spéciale du jour et ne pointe plus qu’à 7’41’’. C’est certainement la sérénité qui règne dans la cabine du camion de Martin Macik. Son premier rival n’est autre que le jeune Mitch van den Brink, qui avait déjà remporté l’année dernière sa première étape à 20 ans, et s’impose une nouvelle fois au lendemain de son anniversaire, à 22 ans.

La pref’ du jour

pht. F Le Floch

Placer deux RS Q e-tron en tête d’une étape du Dakar, Audi l’a déjà réalisé à deux reprises dans le passé avant ce jour. Le premier doublé réalisé dans l’étape 8 de 2021 était déjà à mettre à l’actif du duo Ekstrom-Peterhansel, avant celui de « Peter » et Sainz deux jours plus tard. Aujourd’hui, le Suédois est devenu le pilote Audi le plus bardé d’étapes avec un total de quatre à son actif, dépassant les trois victoires de « El Matador » et les deux de « Monsieur Dakar ». Au total depuis son engagement sur la course, Audi a dominé neuf étapes. Celle du jour « met du baume au cœur » à ses auteurs au lendemain de la déconvenue du Suédois, comme l’explique Peterhansel à l’arrivée de la spéciale. Derrière ce lot de consolation, il songe aussi à la position délicate d’Audi, dont tous les anneaux sont dans le même panier. Car ce doublé qui aide à oublier les jours passés sert aussi la stratégie des prochains. L’Espagnol, toujours leader du classement général avec Sébastien Loeb à ses trousses, est en route vers Yanbu dans sa Audi en mode « go fast » avec deux voitures ouvreuses. La configuration offre des options multiples pour le convoyage du boss !

Le coup dur du jour

pht. E Vargiolu

Yasir Seaidan a participé à l’œuvre collective de la nation saoudienne (voir La stat’) en remportant l’étape 3 en catégorie SSV. La première de sa carrière à l’occasion de son septième Dakar. Le Saoudien est ensuite monté durant trois jours sur le podium de la catégorie, sortant leader des SSV au soir de la 48h chrono. Rétrogradé en deuxième position du provisoire le lendemain, à seulement 7’30’’ du leader, le pilote MMP a aujourd’hui connu une journée noire. La casse de son différentiel avant, plus trois crevaisons et ce sont 27’39’’ qui s’envolent aujourd’hui, reléguant ce soir le pilote de 46 ans et son copilote Français Adrien Metge à la 5e position de la catégorie, à plus d’une demi-heure du leader. Pas de quoi abattre l’agent immobilier de Riyadh qui avait débuté la course au soir de l’étape 1 avec près d’une heure de retard. Yasir sait mieux que quiconque que la construction réclame de l’obstination.

La stat’ du jour

pht. Charlie Lopez
  1. Ce 46e Dakar met en lumière le talent des représentants saoudiens, avec un total de dix victoires à leur actif toutes catégories confondues depuis leurs apparitions sur le Dakar. Yasir Seaidan a brillé lors de la troisième étape, décrochant sa première victoire, tandis que Saleh Alsaif a ajouté un cinquième trophée à son palmarès dans le rallye-raid le plus prestigieux au monde. Yazeed Al Rajhi, malgré son retrait précoce cette année, a déjà savouré la victoire à quatre reprises et a mené le classement général de la troisième à la cinquième étape dans la catégorie Ultimate. Dania Akeel, prometteuse en début d’étape en Challenger, a marqué le meilleur temps au premier contrôle avant de reculer au classement, terminant à 37 minutes de son compatriote. Cependant, l’épreuve est loin d’être terminée… Akeel, ainsi que d’autres, aspirent à graver leur nom dans l’histoire du Dakar.

 

La réaction du jour

Carlos Sainz : « facile de perdre cinq ou dix minutes sur cette course »

pht. Julien Delfosse

Aux avant-postes des chronos du jour, Carlos Sainz reprend le temps perdu hier sur Loeb et possède à présent près de 25 minutes au général sur le Français. Mais le triple vainqueur du Dakar ne crie pas pour autant victoire.

« C’est encore une longue route qui m’attend, de longues étapes sont à venir. Vous ne vous rendez pas compte comme il est facile de perdre cinq ou dix minutes sur cette course avec la navigation, une crevaison, n’importe quoi, c’est très stressant. »

#Dakar2024 #DakarFuture #Mission1000 ici

Sur un air de classic

Ils étaient quinze camions au départ de la 4e édition du Dakar Classic et le MAN 18-985 de l’équipage italien Motortecnica est pour l’heure le mieux classé. Au 12e rang du général, ce mastodonte est piloté par un homme sous l’emprise du Dakar. Cela fait deux décennies que Corrado Pattono s’engage sur le Dakar. Pour nombre de ces vétérans, le Dakar Classic est comme pour les véhicules d’époque, une seconde vie qui redémarre sur le Dakar !

World Rally-Raid Championship

Ferreira à l’expérience

Victime d’une casse de barre de direction en début de course, Joao Ferreira s’est depuis affairé à combler l’espace qui le sépare de Sara Price (South Racing Can-Am) et de Yasir Seaidan (MMP). Et c’est chose faite aujourd’hui pour le Portugais qui s’impose et prend les commandes de la catégorie au classement du championnat. Monter, descendre les échelons, c’est l’histoire de Joao en rallye-raid, qui n’a pas hésité depuis 2019 et son premier essai en T2 à tester toutes les catégories jusqu’à trouver sa place en SSV. T1 en 2021 au volant des références Toyota Hilux et Mini X-raid, T3 l’an passé avec Yamaha X-raid, essai en SSV sur le Rallye du Maroc 2023 avec à la clef un volant Can-Am Factory pour cette saison. Du haut de ses 23 ans, il figure déjà en 6e position du T3 2023 et en 7e position du classement SSV grâce à sa pige victorieuse au Maroc. Ferreira débarque en SSV avec une expérience tous azimuts qui risque de peser cette saison.

Etape 9, Hail – Alula, Van Beveren et Loeb en mode super-conquérants

L’œil dans l’objectif

Le trajet en direction d’AlUla, voilà qui rappelle quelques souvenirs. Il ne s’agit pourtant pas d’un retour à la case départ puisque que la situation a évolué dans les grandes largeurs depuis le prologue. Le tracé du retour a évité aux concurrents les pierres volcaniques, en choisissant l’option nord depuis Al Duwadimi qui comporte toutefois quelques points communs. Sur la majeure partie des 436 kilomètres de spéciale, il a fallu de la vigilance à double titre : un pilotage fin pour éviter chutes et crevaisons sur les portions rocailleuses, et une attention extrême pour mettre en accord la lecture du road-book avec l’embrouillamini de pistes qui se présentait devant les pilotes. À ce jeu-là, Adrien Van Beveren a su s’adapter à la position d’ouvreur qu’il a occupée l’essentiel de la journée pour s’imposer à AlUla.

L’essentiel

L’endurance extrême met à l’épreuve les concurrents sur le plan physique. Le Dakar est aussi un sport mécanique où les aléas pèsent lourd, et les difficultés de navigation mobilisent l’intellect, sans oublier bien entendu la technique de pilotage qui fait rarement seule la différence. Pour compléter le tableau, la stratégie prend une part primordiale, en particulier lorsque l’horizon de la ligne d’arrivée finale se dessine avec netteté. Le compte à rebours avait déjà débuté hier, Adrien Van Beveren dans le rôle du dindon de la farce qui consistait pour ses rivaux à donner un coup de frein pour s’élancer bien derrière lui aujourd’hui. La réaction du Nordiste à l’orgueil blessé a été à la hauteur de son talent, même sur le terrain qui ne lui est pas le plus favorable.

#42, Adrien Van Beveren, Honda. pht. J Lindini

En tête de course pendant une bonne partie de la distance, il a su naviguer à la perfection tout en gardant un rythme élevé, ce qui lui a permis de reprendre place sur le podium provisoire. VBA a accompli une partie du chemin, il lui reste toutefois un débours de 11’16’’ à combler sur son collègue chez Honda, Ricky Brabec. L’Américain est bien le grand bénéficiaire de la journée, puisque ça position au départ (7e) lui a permis de progresser à vitesse grand V vers AlUla et d’augmenter son avantage en tête du classement général. Comme le vent tourne en sa faveur, le Californien profite aussi des multiples erreurs de navigation de Ross Branch, qui se retrouve maintenant à 7’09’’. Au total, Brabec n’a pas remporté la moindre étape mais s’est classé 2e comme aujourd’hui à quatre reprises, ce qui sera peut-être la formule gagnante du millésime 2024. En regardant les feuilles de classement des autos, on se rend compte en effet que le nom de Carlos Sainz n’apparait pas au sommet des étapes, mais se situe bien tout en haut du général depuis le soir de la 48h chrono. L’opération du jour ne lui garantit pas la victoire finale, mais le coup consistant à parcourir « en convoi » la spéciale, encadré de ses deux coéquipiers Mattias Ekstrom et Stéphane Peterhansel comme gardiens, a pu donner de l’air au chef de file des Audi. Il maintient encore à une distance raisonnable son poursuivant direct, à un stade où chaque étape constitue un pas de géant vers le succès.

#203, Sébastien Loeb, BRX. pht. A Vincent

Sébastien Loeb admet aisément que dans sa position de chasseur, ses options stratégiques se réduisent maintenant à l’attaque maximale, avec la part de risques que cette cavalcade comprend. Le Français a remporté aujourd’hui sa quatrième victoire de l’année (voir stat), flirtant avec la limite puisqu’il a tout de même « percé » deux fois en cours de route, mais garde une capacité à faire trembler « El Matador ». Rien ne semble impossible par beau temps pour le pilote du Hunter de BRX, mais les 20’33’’ qui le séparent de Sainz lui demanderont de rouler en mode super-conquérant. Contrairement à son rival, il n’aura que peu de soutien de son coéquipier Nasser Al Attiyah. Le quintuple vainqueur qatarien, qui a dû quitter la spéciale pour la deuxième journée consécutive sur problèmes mécaniques, ne prendra le départ que très loin de Loeb… dans le meilleur des cas.

Mitch Guthrie roule à l’abri de ce type d’interrogations, puisqu’avec une petite demi-heure d’avance sur Cristina Gutierrez en tête de la catégorie, il regarde sereinement l’Argentin Nicolas Cavigliasso rentrer avec son épouse Valentina Pertegarini dans le club des vainqueurs d’étapes. Xavier de Soultrait, en tête des SSV, peut commencer lui aussi à adopter une stratégie de gestionnaire en constatant les nouveaux déboires de Joao Ferreira (voir coup dur). Côté camions, c’est Gert Huzink qui signe le meilleur temps de la spéciale sans faire trembler non plus Martin Macik, au sommet de la hiérarchie avec près de deux heures d’avance sur Ales Loprais.

Les classements ici

La perf du jour

#212, Mathieu Serradori. pht. A Vincent

Ils sont le caillou dans la chaussure des écuries de pointe. Ceux qui, édition après édition, s’affirment comme les redoutables outsiders de la caravane. À AlUla, Mathieu Serradori et Loïc Minaudier ont hissé leur Century à la troisième place de l’étape 9. Une première cette année, alors que les podiums des spéciales avaient jusque-là été monopolisés par Toyota, Audi et BRX. La performance est d’autant plus remarquable que le duo français est le seul équipé d’un 2-roues motrices dans le Top 15 du jour. Au volant, Serradori signe son meilleur résultat depuis sa victoire en 2020, lors de l’étape 8, la dernière en date d’un pilote privé. Il grimpe à la sixième place du classement général, doublant Guerlain Chicherit et Martin Prokop. La cinquième positon, occupée par Giniel de Villiers, n’est plus que 3’32″ devant lui. Le duo du Century Racing Factory Team est en train de s’offrir des adieux en fanfare avec le CR6, avant de passer en 4×4 avec le dernier né du constructeur sud-africain.

Le coup dur du jour

Joao Ferreira était l’homme du jour hier en Challenger. Après un coup de barre… de direction précisément, cassée dès l’étape 1, le Portugais avait su braver la tempête. En digne héritier des navigateurs conquérants de sa nation, le jeune officiel Can-Am de 23 ans avait rallié la terre promise du Top 3 à l’issue de l’étape 8. A un peu plus de sept minutes hier de Xavier de Soultrait, les quatre étapes restantes semblaient bien plus que suffisantes pour aller chercher sa première victoire sur le Dakar. Mais aujourd’hui au kilomètre 44, Joao a connu un coup de pompe… à essence pour être précis. Relégué à une heure du leader du général, la remontée semble périlleuse, car cette fois-ci il ne reste que quatre bords à tirer d’ici port Yanbu. Le sort est cruel avec le Portugais.

La stat’ du jour

pht. Flavien Duhamel

30,6 % Avec 9 titres dans sa première carrière en WRC et 80 victoires sur des manches du championnat du monde, Sébastien Loeb se distingue comme un collectionneur vorace. En se consacrant majoritairement au rallye-raid, l’Alsacien n’a pas changé ses habitudes et a commencé par remporter 4 étapes pour son baptême sur le Dakar 2016 en Argentine et en Bolivie. Aujourd’hui, il signe le 27e scracth de sa carrière, après avoir disputé au total 88 spéciales en 8 participations, prologues compris. Avec un pourcentage de 30,6 % de réussite, il présente le ratio le plus élevé sur le bivouac.

La réaction du jour

Stéphane Peterhansel : « je comprends que Carlos soit stressé ».

pht. Julien Delfosse

Stéphane Peterhansel n’a plus d’espoir de jouer la gagne sur ce Dakar.  « Peter » est donc désormais totalement au service de Carlos Sainz. « On était un, deux et quatre ce matin, avec Chicherit au milieu qu’on a doublé. Moi j’ai attendu Carlos 6 minutes au départ pour l’escorter tout au long de la spéciale, toujours à une trentaine de secondes au cas où. Pas facile pour lui, car tant qu’il y avait des voitures devant c’était elles qui faisaient la trace, mais les 200 derniers kilomètres il l’a faite seul. On a bien vu qu’il a eu quelques hésitations, rien de très grave en navigation, mais encore une étape pas facile. On pourrait penser qu’avec nos carrières et nos années d’expérience le stress diminue, mais non malgré tout le Dakar est une course importante où on a envie de bien faire. Je me rappelle en 2021 lorsque l’on a gagné on a eu du stress du début à la fin en ayant peur de faire une bêtise et de perdre la victoire. Carlos est dans une bonne position. Mais Sébastien est capable de reprendre dix minutes par jour, voir plus s’il se met à la limite. Donc je comprends que Carlos soit stressé. Avoir 20-25 minutes, c’est bien, mais en cas de problème technique on les perd très rapidement. »

Mission 1000 ici

Sur un air de classic

Le Dakar et les histoires de famille, c’est un classique ! Les frères Marreau montent sur le podium dès 1980 avec leur 4L avant de remporter la course en 1981 dans leur R20. Les frères Loder dans leur Class G et les Benavente en Nissan Terrano les imitent. Les jumeaux Zoll dans leur Porsche 924 sont encore plus fusionnels. L’an passé, c’est le couple Juan Morera et Lidia Ruba qui s’est imposé avant de revenir cette année dans une réplique de Porsche 959. Et ils ne sont pas le seul couple en course, les époux Abrial de France et les Lovemore d’Afrique du Sud les imitent sur cette édition. Pont intergénérationnel, le Dakar Classic accueille aussi des duos père-fille à l’image des Klaassen ou des père-fils comme les Botma. Mais la palme revient au camion de la famille allemande Ruppert. Le Mercedes 1735 est emmené par Christian et Ursula épaulés de leur fils Matias. L’union fait la force sur le Classic !

World Rally-Raid Championship

Une saison FIA qui promet

Avec la sortie prématurée du vice-champion du monde en titre Yazeed Al Rajhi dans l’Empty Quarter et le risque de ne pas voir le champion du monde Nasser Al Attiyah au départ de la 10e étape, les points à distribuer à Yanbu aux deux têtes d’affiche de la saison 2023 seront nuls ou légers. Carlos Sainz et Lucas Moraes sont pour l’heure les mieux placés pour partir à la conquête du titre mondial 2024 du bon pied. Mais rien n’est joué et surtout cela promet d’ores et déjà une saison ultra disputée. Pas plus tard qu’un mois après l’arrivée de la première manche en cours, la caravane du W2RC a déjà rendez-vous avec l’Abu Dhabi Desert Challenge. Une course remportée lors de ses trois dernières éditions par Yazeed Al Rajhi, Stéphane Peterhansel et Nasser Al Attiyah. Trois prétendants qui auront quoiqu’il arrive d’ici Yanbu réalisé une moins bonne entrée en matière que les futurs leaders désignés le 19 janvier prochain. L’esprit de revanche sera sous de nombreux casques, et pas des moindres, très prochainement !

Communiqué Dakar