21 novembre 2024

Dakar, Etape 1, Branch et De Mevius, rescapés des volcans

L’œil dans l’objectif

La province de Médine est logée dans le quart nord-ouest de l’Arabie Saoudite et a servi de cadre exclusif à la longue spéciale de 414 kilomètres qui a d’emblée placé les pilotes et équipages du Dakar face à de réelles difficultés. En quittant AlUla, la partie de slalom entre les canyons s’est jouée sur du sable, mais le terrain est rapidement devenu plus technique. Plusieurs motards ont été pris au piège des cailloux, y compris le vainqueur du prologue Tosha Schareina qui figurait parmi les favoris à moto, mais pas le gagnant du jour Ross Branch ni même le toujours surprenant Mason Klein (voir perf’ du jour). Sur les sols volcaniques de la deuxième partie de l’étape, les grands favoris comme Nasser Al Attiyah et Sébastien Loeb ont subi, en revanche Guillaume de Mevius a su montrer de la maturité et dominer notamment Carlos Sainz sur cette journée bel et bien bouleversante.

L’essentiel

La donnée essentielle d’une course de motos consiste à rester à la verticale, en dépit des rochers ou pierres de toutes tailles qui se présentent devant les pilotes. Ce matin, cette partie de l’exercice n’a pas été respectée par l’expérimenté Joachim Rodrigues, tombé suffisamment sévèrement pour abandonner au km 82, ni par le prometteur Tosha Schareina dont le troisième Dakar s’est arrêté au km 240 avec un bras cassé. « J-Rod » avait été en 2022 le premier à apporter une victoire d’étape au constructeur indien Hero. Et le jour de sa sortie prématuré, c’est son collègue Ross Branch qui signe finalement le meilleur temps, pour la 4e fois de sa carrière sur le Dakar. Pilote de ligne dans le civil, le Botswanais a aussi pris son envol au général en portant à près de 12 minutes son avantage sur le vainqueur du Dakar 2020 Ricky Brabec, et sur Mason Klein, impressionnant d’audace en ayant choisi de « faire la trace » et resté seul à l’avant tout au long de la spéciale. Ce n’était pas le cas du Brésilien Marcelo Medeiros, qui a surpassé en quad tous ses rivaux, dont Alexandre Giroud qui va se retrouver dans un inhabituel rôle de chasseur après avoir lâché plus d’une demi-heure sur un problème mécanique.

#46, Ross Branch. pht. F. Le Floch

Si Ross Branch a pris de l’épaisseur sur la route d’Al Henakiyah, c’est une réelle poussée de croissance qu’a vécu Guillaume de Mevius dans le Toyota Hilux qu’il prenait pour la deuxième fois en mains en compétition après le Rallye du Maroc. Le jeune Belge qui relativisait sa performance lorsqu’il avait signé son premier succès en T3 en 2022, pourra maintenant assumer la comparaison avec son père Grégoire, qui avait attendu sa quatrième participation avant de remporter les trois étapes qu’il affiche à son palmarès. Dès son premier jour dans la catégorie reine, le fiston devance ni plus ni moins que Carlos Sainz de 1’44’’, dans une spéciale qui a dispersé les autres favoris sans ménagement. Le cauchemar des crevaisons a éloigné Nasser Al Attiyah à près de 25 minutes et son coéquipier Sébastien Loeb à presque 23 minutes, tandis que Guerlain Chicherit lâche 22 minutes.

#221, Guillaume De Mevius, Toyota. pht. Flavien Duhamel

Dans cette séance de torture qui a aussi été douloureuse pour Stéphane Peterhansel (32 minutes perdues !), ce sont les outsiders partis de loin qui s’en sortent le mieux, comme Giniel de Villiers (3e à 9’18’’), Vaidotas Zala (4e à 10’42’’), Romain Dumas (5e à 12’18’’) ou encore Lucas Moraes (6e à 13’25’’) … au total six Toyota figurent dans le Top 8. En Challenger, la famille Goczal n’a pas semblé souffrir des pierres volcaniques : c’est le fils Eryk qui prend la tête du classement général, avec 19’’ d’avance sur son oncle Michal et 7’38’’ sur son père Marek. Chez les SSV, c’est comme en quads un Brésilien qui s’impose, Rodrigo Varela, le fils du vainqueur de la catégorie en 2018, Reinaldo Varela. Enfin, Janus van Kasteren débute dans son camion le Dakar comme il a terminé le précédent, en vainqueur.

#600, Janus Van Kasteren. pht. F. Gooden

La perf’ du jour

#98, Mason Klein. pht. F. Le Floch

Il a commencé son 3e Dakar par attendre sa moto, une Kove de deuxième génération que Mason Klein devait étrenner, mais bloquée en douanes à Dubaï. La chinoise est finalement arrivée, quelques heures seulement avant le gong final des vérifications techniques. Dans le Top 10 du prologue le lendemain, l’Américain avait alors le choix de son ordre de départ dans l’étape 1. Délibérément, le pilote privé de 22 ans a jeté son dévolu sur la première place que tous les Rally GP fuyaient et qui revenait en principe à son pote Skyler Howes, auteur du plus mauvais temps dans l’exercice inaugural. « Ouvrir une étape du Dakar est quelque chose de sympa et à la fin, aucun regret, car je l’ai fait ». Ce qu’a fait Klein, c’est une nouvelle fois surprendre tout le monde. Non seulement en ouvrant de A à Z une étape longue et difficile de plus de 400 kilomètres, empochant au passage 6’21’’ de bonus et la troisième place à l’arrivée. Mais qui plus est, au guidon d’une moto qu’il découvrait ou presque : « C’est la troisième fois que je montais sur la moto et je ne pourrais pas être plus heureux ». Aujourd’hui, Klein a prouvé deux choses aux autres et à lui-même. D’abord que la Chine avait de quoi prétendre rapidement faire marcher les autres constructeurs à la baguette. Ensuite qu’à 22 ans, Klein n’avait pas fini de renverser les codes établis par ses pairs.

Le coup dur du jour

#200, Nasser Al Attiyah. pht. Marcello Maragni

C’était devenu une habitude de considérer qu’avec son expérience et sa science du rallye-raid, Nasser Al Attiyah dompte le terrain avec aisance et se place à l’abri des mésaventures. Mais l’assurance tous risques du quintuple vainqueur du Dakar n’a pas fonctionné sur le terrain pervers pour les pneus de son Hunter T1+. Après avoir subi deux crevaisons dans les cinquante premiers kilomètres, le Qatarien qui n’avait plus de roue de secours a adopté la stratégie de la prudence pour rejoindre l’arrivée de la spéciale à une très inhabituelle 22e place, à près de 25 minutes de Guillaume de Mevius. Pour se consoler, Al Attiyah peut toujours se raccrocher à la situation de ses rivaux les plus attendus, à savoir Sébastien Loeb, Stéphane Peterhansel ou encore Guerlain Chicherit, qui naviguent dans les mêmes eaux ce soir.

La stat du jour

#221, Guillaume De Mevius, Toyota. pht. Flavien Duhamel

Guillaume De Mevius n’a pas tardé à inscrire son nom au palmarès des vainqueurs d’étapes belges sur le Dakar en Ultimate. Parmi eux, figure notamment son père Grégoire qui en totalise trois, toutes acquises lors de l’édition 2002, il y a donc 22 ans. Guillaume n’avait pas encore fêté son huitième anniversaire. Ils sont désormais cinq pilotes belges à composer ce club fermé, à commencer par l’une des légendes de l’épreuve, Jacky Ickx, vainqueur à 29 reprises. Ensuite, il y a Guy Colsoul (6), Grégoire De Mevius (3), Stéphane Henrard (1) et donc Guillaume De Mevius (1) pour un total de 40 scratchs cumulés sur le Dakar.

Les classements ici

 La réaction du jour

Sébastien Loeb :

#203, Sébastien Loeb, pht. Marcello Maragni

« Slalomer à 30 km/h entre les cailloux, ça n’est pas très amusant. On savait que çà ne serait pas une belle spéciale en termes de pilotage, mais il fallait la franchir. On l’a passée, non sans problèmes. On a crevé une fois et on a dû aussi changer une biellette de pince. Tout ça nous a coûté un petit quart d’heure, mais on est là… C’était l’enfer, on espérait juste ne pas crever. On est là, le reste on s’en fout. »

Mission 1000

Jordi Juvanteny fait partie des piliers du Dakar, qu’il fréquente quasiment sans interruption depuis 1991, toujours en camion. Et c’est en promoteur d’une modernité vertueuse qu’il se présente pour sa 32e participation, au volant d’un engin de 12 tonnes équipé d’un système de propulsion mixte hydrogène-diesel. La technologie se lance sans complexe à l’assaut de la Mission 1000 : « Ces deux journées ont été très positives. Nous avons choisi de renoncer au diesel parce que ça doit être fait, il faut apporter son grain de sable pour guérir la planète. L’étape du prologue d’hier était superbe, et sur une merveilleuse variété de terrains, l’hydrogène s’est comporté magnifiquement : une puissance inhabituelle et avec zéro contamination. L’étape d’aujourd’hui a été très exigeante et encore une fois, cette énergie principale que nous utilisons a donné la mesure de ses possibilités, ne contaminant absolument pas. On a regardé en arrière et cette fumée noire qu’on voyait est devenue blanche ».

Sur un air de classic

Après le doublé sur le prologue des deux Porsche 959 répliques de celles de Metge et Ickx en 1986, le clan des historiques, les véhicules ayant déjà participé au Dakar dans les années 80 et 90, a pris la main. C’est le fils de Maurizio Traglio en personne, Lorenzo, accompagné de Rudy Briani, qui dans un ex Nissan Pathfinder de l’équipe Tecnosport dirigée par son père dans les années 90 prend la tête du Dakar Classic.

#702, Lorenzo Traglio, pht. Ricardo Leizer

C’est aussi la revanche de l’école italienne ce soir puisque le Nissan est suivi au général du Toyota de Paolo Bedeschi et Daniele Bottallo, 3e de la précédente édition et eux aussi engagés sous les couleurs de Tecnosport.

#712, Barbora Holicka, pht. Jorge Cunha

World Rally-Raid Championship

Le match Cox-Dumontier… un sommet !

Bradley Cox et Romain Dumontier sont respectivement numéro 3 et vainqueur de la coupe du monde FIM 2023 en Rally 2, l’anti-chambre de la catégorie Rally GP. Le Sud-africain comme le Français ne cachent pas une ambition commune sur ce Dakar : pointer leurs gardes boue avant dans le Top 10 de chaque journée pour espérer attirer l’œil d’une équipe officielle. Le fils d’Alfie Cox, vainqueur Rally 2 des deux dernières manches de 2023, termine aujourd’hui en 4e position à moins de deux minutes du podium du général. « Dudu », 6e du jour, est à moins d’une minute de son nouveau rival désigné au championnat. Les deux pilotes Rally 2 devancent pas moins de treize des seize pilotes officiels encore en lice sur le Dakar. La catégorie Rally 2 se muscle. Preuve en est encore avec Mason Klein, sur le podium du Dakar ce soir, lui aussi issu de la filière du Rally 2 qu’il avait remportée en 2022.

A suivre étape 2 :

Communiqué Dakar