21 novembre 2024

Dakar 2019, Nasser Al-Attiyah (Toyota) de main de maître

L’œil dans l’objectif

Le Pérou a accueilli la 41e édition du Dakar, achevée à Lima après 10 étapes éprouvantes dont sont sortis victorieux un Toby Price héroïque en moto, Nasser Al-Attiyah pour un troisième titre en auto avec une aisance stratégique exemplaire, Nicolas Cavigliasso en quad sur un mode de domination encore jamais vu sur le Dakar, Francisco « Chaleco » Lopez pour un retour et une reconversion gagnants après six ans d’absence chez les SxS, et Eduard Nikolaev pour un quadruplé en camions.

Au-delà des vainqueurs, 179 véhicules (75 motos, 15 quads, 56 autos, 20 SxS et 13 camions)  ont rejoint Lima pour y savourer en fin de journée une cérémonie de podium sur la plage de Magdalena… là où tout avait commencé.

Dakar, arrivée

 L’essentiel

Motos

L’histoire ne pouvait être plus belle pour le monstre de détermination et de courage que représente Toby Price. Engagé sur son cinquième Dakar avec un poignet encore douloureux suite à une fracture du scaphoïde quelques semaines seulement avant le départ, l’Australien a fait le dos rond et joué la régularité face à la fougue de ses adversaires qui enchaînaient les victoires d’étapes. Serrant les dents jour après jour pour se maintenir au contact des meilleurs, le vainqueur 2016 a finalement pris les commandes du rallye à la veille de l’arrivée, offrant un ultime récital avec la victoire d’étape à Lima. De quoi accrocher un deuxième Dakar à son palmarès, un 18e d’affilé à celui de son employeur KTM.

Toby Price. Photo Eric Vargiolu / DPPI

Et la firme autrichienne aura rarement connu pareil triomphe en plaçant ses trois pilotes officiels sur le podium au Pérou. Matthias Walkner, champion en titre, prend la deuxième place tandis que Sam Sunderland, vainqueur 2017, complète un podium qui se refuse cette année encore à Honda. Joan Barreda avait pourtant offert au HRC de beaux espoirs avec un superbe début de rallye avant de se perdre, tandis que Ricky Brabec était lui étonnant de facilité durant 8 étapes… jusqu’à la casse du moteur de sa Honda. Une cruelle désillusion pour l’Américain un an après avoir déjà souffert du même mot, à la hauteur de celle d’Adrien van Beveren, lui aussi lâché par la mécanique de sa Yamaha si proche du but. Et c’est finalement Pablo Quintanilla qui aura tenu le plus longtemps la dragée haute au clan KTM, avant de s’effondrer sur une chute dans les derniers kilomètres de l’intransigeant Dakar…

Pablo Quintanilla a perdu ses espoirs sur une chute. Photo DPPI

Autos

Un seul duo est parvenu à passer à travers toutes les embûches, à trouver l’équilibre parfait entre la performance et la sécurité du pilotage, à saisir toutes les subtilités de navigation qui leur étaient imposées… il s’agit de l’attelage composé de Nasser Al-Attiyah à la manœuvre et de Mathieu Baumel au micro. Au terme de ces dix étapes dont il en a remporté trois, le pilote qatari s’impose aussi pour la troisième fois sur le Dakar, selon un scénario manifestement peaufiné avec un sens stratégique abouti. Tour à tour, le « Prince du désert » a éloigné ses poursuivants directs, portant un coup radical à la concurrence sur l’étape de Super Ica (Et.8), où il a pris soin de se ménager un départ bien plus lointain que ses rivaux. Tout en contrôle, le patron de la course a ensuite observé ses poursuivants se débattre dans les dunes, qu’ils s’appellent Stéphane Peterhansel, Sébastien Loeb ou Nani Roma, pour aller réparer à Lima une incongruité historique. Toyota, la marque qui a certainement aligné le plus grand nombre de véhicules dans l’histoire du Dakar, s’impose pour la première fois dans la catégorie autos, récompensant les efforts du Team Overdrive, qui a plusieurs fois buté sur les Peugeot ou les Mini pour accéder à la plus haute marche, avec Giniel de Villiers ou déjà avec Al-Attiyah l’année dernière.

Nasser Al-Attiyah s’impose dans le Dakar pour la troisième fois avec Toyota cette fois-ci et avec Matthieu Baumel son français de coéquipier. Eric Vargiolu / DPPI

Côté X-Raid, c’est finalement avec la Mini 4×4 que l’équipe obtient ses meilleurs résultats, avec Nani Roma en 2e position tandis que Jakub Przygonski a encore gravi une marge dans la hiérarchie en se hissant à la 4e place. Le défi de Sébastien Loeb a bel et bien semblé crédible au vu des écarts qu’il est capable de réaliser lorsque tous les signaux sont au vert. Mais les fautes de navigation et les pannes mécaniques ont eu raison de ses espoirs de victoire. Il repart avec quatre étapes supplémentaires et une nouvelle place sur le podium final (3e).

Loeb sur le podium

Side by Side

La bataille a bel et bien eu lieu dans la catégorie Side by Side, dont l’effectif a triplé en 2019 (30 équipages au départ), avec l’arrivée de têtes d’affiche de prestige, dont l’ex-pilote moto Francisco Lopez, qui avait échoué dans sa conquête du titre sur deux roues (3e en 2010 et en 2013) mais n’a pas raté le coche pour sa première apparition en SxS. Bien qu’ayant démarré en retrait son rallye, « Chaleco » s’est montré impérial devant le tenant du titre Reinaldo Varela et l’ancien motard Gerard Farres (3e en 2017), pendant que les Sergei Kariakin, Casey Currie ou Ignacio Casale avaient déjà perdu beaucoup de terrain. Le revenant le plus en réussite du Dakar 2019, qui a ajouté trois victoires d’étapes à sa collection déjà bien fournie (11 spéciales à moto), inscrit un peu plus le Chili sur la carte du rallye raid avec un sacre qui s’ajoute aux deux succès d’Ignacio Casale en quad (2014, 2018).

« Chaleco » Lopez. Pht. Flavien Duhamel/Red Bull Content Pool

Quads

La course a rapidement tourné à l’avantage de l’Argentin Nicolas Gavigliasso. Dire que le pilote de Cordoba a survolé ce Dakar tient de l’euphémisme puisqu’il a tout simplement remporté neuf des dix étapes de l’édition 2019. Du jamais vu dans l’histoire du plus célèbre des rallye-raids, toutes catégories confondues. Et dire qu’à 27 ans, le pilote Yamaha ne disputait cette année que son deuxième Dakar. « Ça n’a pas été aussi facile que certains peuvent l’imaginer, déclarait Nico à l’arrivée de la dernière étape. J’ai travaillé dur pour gagner cette ce Dakar. Ce n’est que mon deuxième Dakar mais je voulais vraiment le terminer devant. Je l’ai gagné, je suis le plus heureux. » Deuxième du classement général à 1h55 du vainqueur, Jeremias Gonzalez Ferioli aura été le seul adversaire de Cavigliasso à parvenir à gagner une étape, en l’occurrence la troisième. Alors qu’il disputait son quatrième Dakar, le jeune pilote de Cordoba de 23 ans n’a pas réussi à faire trembler son compatriote. Derrière les deux Argentins, c’est le Français Alexandre Giroud qui s’offre la troisième marche du podium.

Camions

Auteur d’un départ canon avec deux victoires d’étapes pour entamer la défense de son titre sur le Dakar, Eduard Nikoalev s’est finalement fait très peur. Alors qu’on pensait le pilote Kamaz de nouveau intouchable, le Russe a été copieusement bousculé par ses adversaires et en particulier ses coéquipiers Andrey Karginov et Dmitry Sotnikov, jusqu’à perdre la tête du rallye au profit de ce dernier à deux jours de la fin. Mais le triple vainqueur de l’épreuve a finalement parfaitement réagi avec une splendide victoire lors de l’étape 9 pour reprendre son bien et emmener son camion sur la plus haute marche du podium à Lima, pour la quatrième fois. Sotnikov devra donc attendre une année supplémentaire pour espérer décrocher le Graal, un succès déjà connu à deux reprises par Gerard de Rooy qui complète le podium. Attendu comme principal opposant des Kamaz, le pilote Iveco n’aura finalement jamais été une réelle menace.

L’équipe Kamaz s’impose avec Nikovlev et Rybakov. Pht.l Photo Frederic Le Floc’h / DPPI

 La perf du jour

La fille d’Anastasiya Nifontova aime à lui dire qu’elle n’est pas une maman ordinaire. Et l’on ne saurait la contredire après la performance extraordinaire de cette mère de deux enfants, passionnée par le Dakar depuis son enfance et qui avait déjà marqué les esprits en terminant à la 75e place dès sa première participation en 2017. Mais la performance de la Russe sur cette édition 2019 est encore d’un tout autre niveau puisque non contente de rejoindre le podium de Lima à la 62e place du général, Anastasiya a fait preuve d’une détermination impressionnante pour devenir la première femme à terminer le Dakar sans assistance, dans la terrible catégorie Original by Motul. Une prouesse qui lui permet de terminer à la 9e place de ce classement des courageux, remporté par le Hollandais Edwin Straver.

Anastasiya Nifontova. Pht. Flavien Duhamel/Red Bull Content Pool

Le coup dur du jour

A 32 ans et après sept Dakar, Pablo Quintanilla pensait enfin tenir son jour. Deuxième du général ce matin à une minute d’un Toby Price diminué, le Chilien était décidé à sortir la grosse attaque pour aller chercher le rêve d’une vie, remporter le Dakar… Un rêve qui a tourné au cauchemar lors de cette ultime spéciale sablonneuse avec la chute du pilote officiel Husqvarna quelques kilomètres seulement après le départ. Reparti au courage pour boucler la spéciale malgré une fracture de la cheville et sauver sa place sur le podium, « Quintafondo » s’en est finalement vu déposséder par le retour dans le Top 3 sur tapis vert de Sam Sunderland.

Pablo Quintanilla. Pablo Photo Eric Vargiolu / DPPI

La statistique du jour

90 %

Nicolas Cavigliasso s’invite dans la cour des très grands dès son deuxième Dakar, sur lequel il a dominé la course quads en remportant neuf des dix étapes au programme. Dans la matière, le record de victoires remportées en une seule édition est toujours détenu par Pierre Lartigue en autos, avec 10 spéciales dans sa besace… mais sur un Dakar qui en comptait seize. Trois autres pilotes affichent le score de 9 étapes sur une édition : Hubert Auriol (motos, 1984), Jacky Ickx (autos, 1984) et Vladimir Chagin (camions, 2010), mais aucun ne s’est approché du pourcentage de réussite phénoménal du quadeur argentin

Les réactions du jour

« La joie est plus forte que la douleur »

Toby Price : « C’est fou ce Dakar. Et fou de penser que j’ai passé toute la course sans remporter d’étape jusqu’à ce matin, mais que j’arrive tout de même à gagner. Je suis totalement sur la lune. Ça a été 10 jours très long. Je pensais que je risquais peut-être de faire seulement deux étapes et quitter le rallye. Mais j’ai reçu énormément de soutien d’Australie, et j’ai continué à y croire. J’ai l’impression qu’il y a cinq personnes qui roulent sur mon poignet en permanence, ce n’est vraiment pas confortable, mais au bout du compte quand il y a la victoire, la douleur disparaît.

La joie est plus forte que la douleur. Je ne suis pas le boss, il y a tellement de pilotes capables de gagner le Dakar. On le voit nous étions tous à la bagarre avec des écarts très minces. Quintanilla aurait pu gagner, tout comme Matthias (Walkner) ou alors Kevin Benavides, qui a fait du très bon travail. Je ne sais pas si je suis un guerrier, mais je n’abandonne jamais, c’est tout. J’aime être là, j’aime cette famille du Dakar, j’aime cette équipe KTM, c’est aussi pour tout cela que je m’accroche. »

« J’ai travaillé dur pour gagner ce Dakar »

Toby Price. Pht. Flavien Duhamel/Red Bull Content Pool

Nicolas Cavigliasso : « J’ai travaillé dur pour gagner ce Dakar, ça n’a pas été aussi facile que certains peuvent le penser. J’ai préparé cette course en m’entraînant tous les jours, et même deux fois par jour. Sur la moto, bien sûr, mais aussi avec le GPS et la navigation. Je suis si heureux de mon feeling avec ma machine, de l’équipe… Et puis je suis content pour mes supporters argentins. Le rallye, c’est quelque chose de nouveau pour moi. Je suis un pilote de supercross à la base. Ce n’est que mon deuxième Dakar mais je voulais vraiment le terminer devant. Je suis le plus heureux. »

 « L’une de mes plus belles victoires »

Nasser Al-Attiyah : « L’une de mes plus belles victoires. Nous n’avons pas fait une erreur et c’était pourtant un rallye difficile. On a pris la tête à la troisième journée et on a depuis régulièrement conforté notre avance. Je suis heureux d’offrir à Toyota sa première victoire sur le Dakar. Ce rallye, tout le monde veut le gagner et je respecte nos adversaires. S’ils ont fait des erreurs, c’est parce qu’il fallait attaquer et que parfois ça ne passe pas. C’était un rallye cent pour cent Pérou avec du sable et des dunes, je voulais y faire quelque chose de bien. »

« La deuxième semaine a été incroyable »

Nasser Al-Attiyah félicité par Nani Roma. Photo Frederic Le Floc’h / DPPI

Francisco « Chaleco » Lopez : « Je suis très content, je ne pensais pas revenir sur le Dakar. C’est une équipe chilienne qui m’a proposé de venir. Maintenant, nous avons gagné après avoir beaucoup travaillé. J’ai beaucoup profité de ce Dakar. Avec ces dunes, ces difficultés de navigation, c’est tout ce que j’aime. Ça a été très technique, il a fallu rester fort. Surtout, quand nous avons eu notre problème de moteur et que nous nous sommes retrouvés sans traction, nous avons perdu beaucoup de temps. Mais la deuxième semaine a été incroyable, nous avons remporté plusieurs étapes et nous avons réussi à gagner. »

« Nous n’avons pas eu de petits problèmes »

Eduard Nikolaev : « C’était très dur cette course, nous avons eu beaucoup de dunes, beaucoup de sable. Et nous avions des rivaux redoutables, comme Gerard De Rooy et Federico Villagra. Je tiens à les remercier parce que nous avons eu une belle course durant cette édition. Nous n’avons eu que de petits problèmes, notamment nous sommes restés coincés dans les dunes un bon moment, mais finalement ça n’a pas été trop long, et nos camions sont robustes et rapides. »

Eduard Nikolaev. Pht. Flavien Duhamel/Red Bull Content Pool

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